Une confrontation se dessine entre les conservateurs et la majorité des indépendants au Sénat. Jugeant «inacceptables» les amendements apportés par l'opposition au projet de loi sur le contrôle des armes à feu, le sénateur indépendant André Pratte compte recommander le rejet du rapport du comité sénatorial qui doit être déposé jeudi.

La mesure législative qu'il parraine à la chambre haute a été «totalement dénaturée», «éviscérée» par les conservateurs lors de l'étude article par article, lundi dernier, a-t-il regretté en entrevue à La Presse, mercredi.

C'est la raison pour laquelle le sénateur Pratte demandera au Sénat de tourner le dos au rapport, ce qui ferait en sorte que le projet de loi C-71 reprendrait à l'étape de la troisième lecture dans la mouture qui a été adoptée à la Chambre en septembre 2018.

«Mon impression, c'est que le rapport va être rejeté, parce que la majorité des indépendants appuient le projet de loi», a-t-il affirmé. «En fait, on ne sait jamais ce qui va arriver au Sénat, alors disons que j'ai espoir qu'il soit rejeté», s'est repris M. Pratte.

Le sénateur nommé par Justin Trudeau espère que les désaccords ne mèneront pas à une partie de ping-pong législatif entre le Sénat et les Communes, se disant convaincu que les libéraux resteront inflexibles sur C-71.

«Évidemment, ça n'aide pas», a déclaré mercredi en point de presse le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, en guise de réaction aux amendements apportés à la mesure législative qu'il a pilotée en Chambre.

Il s'est toutefois dit «très optimiste» que la mesure législative sera adoptée, et ce, dans une «version constructive» avant la fin de la législature. «Ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini», a-t-il lancé.

Modifications à C-71

En comité sénatorial, lundi dernier, les conservateurs ont notamment ramené à cinq ans la période de temps couverte par les vérifications d'antécédents, alors que C-71 proposait qu'elles portent sur la vie entière d'une personne faisant une demande de permis de possession.

Cette mesure est «absolument essentielle», car «elle permet de mieux protéger les personnes vulnérables aux prises avec un conjoint violent, par exemple», a souligné le sénateur Pratte dans un communiqué qu'il a publié après la réunion du comité, lundi dernier.

Les conservateurs avaient publié peu auparavant un communiqué pour se féliciter de leur coup. Le bureau du chef de l'opposition officielle au Sénat, Larry Smith, s'est réjoui des «améliorations» apportées au projet de loi qui demeure néanmoins «faible».

C-71 «vise les propriétaires d'armes à feu titulaires de permis respectueux de la loi» et ses mesures ne font qu'imposer «des fardeaux bureaucratiques» aux propriétaires et marchands d'armes déjà «lourdement réglementés», a-t-on argué.

Sur la question précise de la vérification des antécédents, le bureau du sénateur Smith dit favoriser un examen «mieux ciblé» qui pourra porter sur «toutes les condamnations criminelles pendant la vie du demandeur», mais qui s'attardera «plus attentivement les cinq années précédant la demande ou le renouvellement d'un permis d'arme à feu».