Si la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, laisse entendre que le gouvernement pourrait mettre la ratification du « nouvel ALENA » de côté tant que Washington frappera le Canada de tarifs punitifs sur l'acier et l'aluminium, elle se garde bien de lancer un ultimatum clair à l'administration Trump.

« Ce que j'ai dit aux Américains, c'est que pour nous, pour beaucoup de Canadiens, y compris moi-même, c'est très difficile de comprendre comment on peut ratifier le nouvel accord quand les tarifs sont toujours en place », a-t-elle déclaré en point de presse, hier.

La ministre Freeland n'a pas voulu aller jusqu'à dire si elle écartait carrément une ratification sans retrait de ces tarifs, qu'elle a de nouveau dénoncés. « J'ai choisi mes mots avec beaucoup d'attention. C'est ma réponse », a-t-elle tranché face à l'insistance des journalistes.

Elle s'est félicitée du fait qu'il s'agit là d'un argument que les leaders du Congrès américain « écoutent maintenant directement », réitérant qu'il serait malavisé de rouvrir cette entente tripartite. « Il faut comprendre que ce serait ouvrir une boîte de Pandore. Et nous savons tous ce qui est arrivé quand Pandore a fait cela », a-t-elle argué.

Le gouvernement fait bien de ne pas brusquer les choses dans ce dossier, croit Patrick Leblond, professeur à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa.

« Le Canada a le beau jeu d'attendre, parce qu'il n'y a aucun coût politique à attendre. Tant que les trois pays n'ont pas ratifié l'accord, il n'entre pas en vigueur. Le Canada, s'il le ratifie aujourd'hui, ça ne lui donne absolument rien », a-t-il exposé à La Presse.

« En plus, il y a toujours le risque que l'accord lui-même meure au feuilleton. Les démocrates à la Chambre des représentants ont clairement indiqué qu'ils n'allaient pas appuyer l'accord tel qu'il est », a souligné M. Leblond.

Le conservateur Pierre Paul-Hus a reproché aux libéraux leur « incapacité » de s'entendre sur l'acier et l'aluminium, les accusant d'avoir « fait des concessions majeures » dans l'Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) signé en novembre dernier.

« Il est primordial que l'entente ne soit pas ratifiée avant la levée des tarifs douaniers », a insisté la députée néo-démocrate Karine Trudel dans une déclaration écrite.

Bois d'oeuvre: victoire partielle

La ministre Freeland s'était présentée au micro du foyer des Communes hier pour discuter de la victoire en demi-teinte d'Ottawa à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) dans le dossier du bois d'oeuvre.

L'OMC a conclu que Washington a contrevenu à une disposition antidumping en raison de sa façon de calculer les marges, mais a donné tort à Ottawa sur un autre point, celui entourant une autre méthode de calcul américaine, le « zeroing ». Ottawa pourrait porter cette décision en appel, a signalé Chrystia Freeland.