La Cour du Québec a déclaré la CSN coupable d'avoir enfreint la loi électorale en 2012, en réunissant une de ses instances pour inviter ses membres à voter pour le candidat qui avait le plus de chances de battre les candidats du Parti libéral du Québec ou de la Coalition avenir Québec.

Le tribunal conclut également que dans ces circonstances, la dépense de près de 63 800 $ pour la tenue du conseil confédéral de la centrale syndicale, qui avait réuni 293 personnes pendant la campagne électorale, était bel et bien une dépense électorale, comme l'avait estimé le Directeur général des élections du Québec.

Le tribunal conclut que cette dépense visait à favoriser ou à défavoriser, en tout ou en partie, directement ou indirectement, l'élection d'un candidat d'un parti politique. Il impose à la CSN l'amende minimale pour cette infraction à la loi électorale, soit 10 000 $.

Libertés

De plus, la CSN avait demandé de déclarer inopérants certains articles de la loi électorale, en affirmant qu'ils portaient atteinte à la liberté d'expression et à la liberté d'association.

Mais la Cour du Québec a jugé que la loi électorale ne portait pas atteinte au droit à la liberté d'association.

Elle a toutefois jugé que les articles de loi en cause portaient bel et bien atteinte au droit à la liberté d'expression, mais que cela constituait une limite raisonnable dans une société libre et démocratique.

La CSN avait convoqué une réunion extraordinaire du conseil confédéral en août 2012. Dans une recommandation, la centrale syndicale invitait les membres de ses syndicats affiliés « à choisir la candidate ou le candidat qui représente le parti politique dont les valeurs, les actions, la clarté des engagements correspondent le plus aux orientations de la CSN et qui a le plus de chances de devancer la candidate ou le candidat du Parti libéral ou de la Coalition avenir Québec ».

Elle avait également produit un bilan critique du gouvernement libéral de Jean Charest sur 12 thèmes et un document intitulé « la Coalition avenir Québec : une dangereuse illusion », ajoutant qu'« il devient crucial d'empêcher ce parti de former le prochain gouvernement ».

Dépense électorale

Or, la loi électorale stipule que seul l'agent officiel d'un candidat ou d'un parti autorisé ou son adjoint peuvent faire ou autoriser des dépenses électorales.

Et une dépense électorale est définie comme « le coût de tout bien ou service utilisé pendant la période électorale » pour « favoriser ou défavoriser, directement ou indirectement, l'élection d'un candidat ou celle des candidats d'un parti » ou pour « diffuser ou combattre le programme ou la politique d'un candidat ou d'un parti ».

Devant le tribunal, la CSN avait soutenu qu'il ne s'agissait pas de dépenses électorales engagées par un tiers pour influencer une partie de la population, mais qu'il s'agissait plutôt de « dépenses par les personnes présentes pour leur permettre en leur qualité de citoyens-syndicalistes de signifier leur position politique à leur syndicat ». Le juge Denis Lavergne qualifie cette affirmation de « singulière position ».

« L'argumentation de la CSN ne peut pas tenir. Elle ne repose sur aucun fondement juridique. [...] Réfuter toute intention d'avoir voulu influencer qui que ce soit en tenant une réunion extraordinaire du conseil confédéral pendant la période électorale s'avère immatériel dans l'examen de la preuve [...] comme l'est tout autant de supputer l'ampleur des effets nocifs ou non sur une élection d'une prise de position politique pendant la période électorale », écrit le juge Lavergne.

Les syndicats ne seront pas muselés pour autant ; ils pourront intervenir hors de la période électorale, rappelle le juge. « La tenue d'élections à date fixe procure dorénavant une marge de manoeuvre certaine pour intervenir efficacement et se faire entendre au moment opportun même s'il ne se situe pas dans la période électorale », conclut le tribunal.

Jointe au téléphone, la CSN a fait savoir qu'elle allait prendre le temps d'analyser le jugement avant de déterminer la suite des choses.