Gérard Bouchard, coprésident de la commission sur les «accommodements raisonnables» il y a une douzaine d'années, affirme que le gouvernement Legault «erre gravement ou cède à la démagogie» en voulant interdire aux enseignants de porter des signes religieux à l'école.

M. Bouchard est le coauteur du rapport de 2008 qui est abondamment cité comme source d'inspiration pour le projet de loi 21 du gouvernement de la Coalition avenir Québec sur la laïcité de l'État. Le projet de loi vise à interdire à plusieurs catégories d'employés de l'État de porter des signes religieux dans l'exercice de leurs fonctions, notamment les enseignants du primaire et du secondaire du secteur public et les directeurs d'écoles.

Dans une lettre d'opinion parue vendredi dans La Presse, l'historien et sociologue Bouchard se demande si le premier ministre François Legault ne cède pas à la démagogie avec son projet de loi interdisant les signes religieux.

À la suite d'audiences publiques tenues dans tout le Québec, la commission présidée par M. Bouchard et le philosophe Charles Taylor proposait en 2008 d'interdire les signes religieux aux employés de l'État «détenant un pouvoir de coercition»: les policiers, les juges, les procureurs de la Couronne et les gardiens de prison. Mais pour tous les autres «agents de l'État» - enseignants, fonctionnaires, professionnels de la santé et autres-, la «commission Bouchard-Taylor» estimait que le port de signes religieux devrait être autorisé.

M. Bouchard affirme aujourd'hui que le gouvernement Legault «erre gravement (ou cède à la démagogie) en assimilant le pouvoir extraordinaire de coercition» aux enseignants. Il estime que l'ajout des enseignants dans cette catégorie constitue une «restriction ou une suppression» d'un droit fondamental.

Il considère aussi que le recours par le gouvernement à la disposition dérogatoire pour bloquer toute contestation judiciaire «engage ainsi le Québec sur une voie périlleuse».

M. Taylor, qui s'était déjà dissocié de son propre rapport, a dénoncé cette semaine le projet de loi «clairement discriminatoire» du gouvernement Legault; il a déclaré à La Presse canadienne qu'il le combattrait par tous les moyens.