L'ex-ministre Jody Wilson-Raybould a fourni mercredi au comité permanent de la justice et des droits de la personne les documents qu'elle avait promis de transmettre pour étoffer son témoignage sur SNC-Lavalin.

«C'est en traduction. J'estime que la traduction serait complète demain (jeudi) vers 17h), a indiqué dans un courriel à La Presse le président du comité, le libéral Anthony Housefather.

L'ancienne ministre s'était engagée à faire parvenir au comité des textos, courriels et autres documents. On lui en avait fait la demande lors de son témoignage en comité, le 27 janvier dernier.

Elle avait signalé qu'«à ce même sujet», elle détenait «des éléments pertinents de faits et de preuves qui clarifient certaines de mes déclarations et permettent d'élucider l'exactitude et la nature de déclarations faites par des témoins» subséquents.

«J'ai envoyé mes documents au greffier du comité hier (mardi). Les documents sont en cours de traduction, et selon ma compréhension, ils seront remis aux membres du comité par après», a indiqué Mme Wilson-Raybould dans un courriel à La Presse.

Enquête réclamée

L'ex-ministre de la Justice et procureure générale du Canada demeure ainsi résolument au coeur de l'actualité - pour preuve, un nouveau rebondissement dans la saga SNC-Lavalin est survenu en début de journée, gracieuseté des conservateurs.

La députée conservatrice Lisa Raitt a en effet réclamé mardi le déclenchement d'une enquête sur les fuites médiatiques concernant Jody Wilson-Raybould -- une manoeuvre qu'elle soupçonne l'entourage de Justin Trudeau d'avoir orchestrée.

«Il semble que des sources proches du premier ministre ont révélé des renseignements privés et confidentiels sur la nomination envisagée à la Cour suprême de Glenn Joyal (...) dans une tentative de salir la réputation de l'ancienne procureure générale Jody Wilson-Raybould», écrit-elle dans une missive envoyée une lettre au commissaire à la magistrature fédérale, Marc Giroux.

Une «simple lecture des faits laisse fortement croire que des acteurs politiques ont révélé le contenu des discussions», et le cas échéant, il s'agirait d'un «cas flagrant d'ingérence politique» de nature à nuire à l'indépendance du système judiciaire, ajoute l'élue dans cette missive datée du 26 mars.

«Conformément à votre devoir de protéger l'indépendance du système de justice du Canada, je vous presse d'entreprendre immédiatement une enquête sur la divulgation de cette information confidentielle et de présenter un rapport aux Canadiens», conclut Mme Raitt.

Deux médias, CTV et La Presse canadienne, ont rapporté lundi dernier, sur la foi de sources anonymes, qu'un désaccord était survenu dès 2017 entre Justin Trudeau et Jody Wilson-Raybould sur l'enjeu de la nomination d'un juge de la Cour suprême.

La ministre démissionnaire aurait voulu désigner un juge manitobain, Glenn Joyal. Le choix aurait fait grincer des dents au bureau du premier ministre, notamment en raison de l'interprétation passée du juge Joyal de la Charte canadienne des droits et libertés.

De plus, Jody Wilson-Raybould aurait souhait l'élever directement au poste de juge en chef, ce qui aurait rompu la tradition d'alternance entre les juges du Québec et les juges du Canada à la tête du plus haut tribunal au pays.

C'est finalement Sheilah Martin qui a été nommée juge pour combler une vacance à la Cour suprême du Canada. Le siège du juge en chef, lui, a été confié au Québécois Richard Wagner.

En conférence de presse à Winnipeg, mardi, Justin Trudeau a refusé de dire si ces révélations émanaient de son entourage. Son bureau n'avait pas réagi aux nouveaux développements de mercredi au moment de publier ces lignes.

«Ceci doit cesser», tonne Wilson-Raybould

L'ex-ministre, elle, l'a fait.

«Je ne suis pas libre de faire des commentaires sur la véracité du reportage ou la fuite d'informations hautement confidentielles entourant le processus de nomination à la Cour suprême», a-t-elle déclaré à La Presse.

«Je condamne fortement quiconque parlerait ou fournirait de l'information sur des enjeux aussi sensibles», a poursuivi Mme Wilson-Raybould, assurant ne pas en être la source elle-même.

Car cela «pourrait compromettre le processus de nomination, nos institutions et possiblement des juges qui siègent présentement», a-t-elle poursuivi dans son courriel.

«Ceci doit cesser, et compte tenu du sérieux de l'enjeu, je crois que l'on devrait songer à mener une forme d'enquête sur la source de l'information», a conclu Jody Wilson-Raybould.