Québec solidaire a lancé un «ultimatum» au gouvernement Legault, mardi. Le parti lui donne un an et demi pour adopter une série de mesures environnementales. Faute de quoi, il compte multiplier les gestes d'obstruction à l'Assemblée nationale.

«Le climat, lui, il ne va pas attendre les prochaines élections, a déclaré la co-porte-parole Manon Massé. François Legault a 18 mois pour répondre à l'urgence climatique. S'il ne le fait pas, il va avoir de la misère à poursuivre ses priorités parlementaires parce qu'on va être là pour lui faire barrage.»

Québec solidaire somme le gouvernement d'interdire tout projet pétrolier et gazier dans la province, y compris le port méthanier Gazoduq près de Saguenay. Ses députés réclament également un plan qui permettra au Québec d'atteindre les cibles du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), et de le faire approuver par un expert indépendant.

Le parti donne au gouvernement jusqu'au 1er octobre 2020 pour répondre à ses demandes. Si Québec n'agit pas, ses députés entendent se servir de tous leurs pouvoirs législatifs pour «ralentir et déranger» la mise en oeuvre du programme de la CAQ.

«Si la CAQ ne répond pas à ces trois demandes, nous n'aurons pas le choix, a dit le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois. Nous allons cesser de collaborer avec le gouvernement et toutes ses initiatives vont se buter à notre barrage parlementaire.»

Il n'a pas voulu illustrer ses propos avec un exemple concret.

«Ce serait malhabile pour nous aujourd'hui de déjà dévoiler l'ensemble de notre stratégie au gouvernement Legault, ce ne serait pas très intelligent de notre part, a dit le député. On se garde des surprises, mais je peux vous dire que tout sera pacifique, que tout sera fait à l'intérieur des règles.»

Charette réagit

La sortie des élus solidaires a été accueillie avec un haussement d'épaules par le ministre de l'Environnement, Benoit Charette. Il a fait valoir que le budget prévoit des investissements de 100 millions pour l'amélioration de la gestion des matières résiduelles et 300 millions additionnels pour la décontamination des terrains.

«Je pense que Québec solidaire n'a tout simplement pas pris la mesure du budget, a-t-il dit. [...] Mes prédécesseurs en environnement auraient sans doute été jaloux d'avoir les outils qu'on s'est donnés comme gouvernement.»

Le député du Parti libéral, Gaétan Barrette, a accueilli avec une certaine ironie la menace brandie par QS.

«Un barrage parlementaire ? Le parlement tremble actuellement ? Je pense qu'ils peuvent focaliser avec énergie leur position, on peut le comprendre, si eux choisissent de qualifier leur action de barrage parlement, grand bien leur en fasse», a-t-il dit.

Quant au Parti québécois, il préfère avancer des propositions constructives plutôt que multiplier les gestes d'obstruction, a dit son chef par intérim, Pascal Bérubé.

«Tout au long de cette législature, on va être une force de proposition et non une force d'obstruction, a-t-il dit. On préfère créer de l'adhésion.»

Sylvain Gaudreault, député du Parti québécois, craint pour sa part que la stratégie du «couteau sur la gorge» des solidaires risque de faire reculer la cause de la lutte aux changements climatiques plutôt que de la faire avancer.

«Ils font dans la polarisation et dans la confrontation alors que, pour arriver à atteindre nos cibles de réduction de gaz à effet de serre en vertu de l'accord de Paris, il faut y aller par adhésion.»

Coup d'éclat

Les 10 députés solidaires ont voulu souligner cette prise de position avec un coup d'éclat. Ils ont tenu un point de presse à l'extérieur de l'Assemblée nationale, alors que le mercure oscillait autour de -10 degrés Celsius.

Mme  Massé a dit vouloir marquer l'importance de la sortie. Mais voilà, le point de presse a été perturbé par les dizaines de chauffeurs de taxis qui manifestent à Québec mardi. Une colonne de voiture a bruyamment défilé à quelques mètres du lieu du rassemblement, rendant presque inaudibles les propos des élus par moments.

«On ne s'attendait pas à avoir un appui aussi radical», a lancé Mme  Massé au milieu du concert de klaxons.

- Avec la collaboration d'Hugo Pilon-Larose