(Ottawa) Le bureau du ministre fédéral de la Sécurité publique affirme avoir fait part de ses inquiétudes à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) concernant le langage qui aurait été utilisé par le service de police dans sa planification de la manière dont elle entend traiter les manifestants autochtones bloquant la construction d’un gazoduc dans le nord de la Colombie-Britannique.

Un porte-parole du ministre Bill Blair se dit préoccupé par ce qu’a rapporté le média britannique The Guardian qui soutient avoir obtenu le détail de la stratégie de la GRC pour lever le blocus.

« Nous sommes engagés à protéger le droit constitutionnel de manifester pacifiquement et sommes préoccupés par les mots et les phrases inacceptables qui, selon ce que rapporte le Guardian, ont été utilisés », a répondu par courriel le porte-parole de M. Blair, Scott Bardsley.

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Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Bill Blair

« Notre bureau a soulevé la question auprès de la GRC. »

À la fin de 2018, des membres de la communauté Wet’suwet’en ont mis en place des points de contrôle empêchant les travailleurs du projet de gazoduc d’accéder au chantier du projet de gaz naturel liquéfié de 40 milliards de dollars de LNG Canada.

Bien que TransCanada ait déclaré avoir signé des accords avec toutes les Premières nations le long du tracé du pipeline, certains membres des Wet’suwet’en ont fait valoir que leurs chefs héréditaires n’avaient pas donné leur accord au projet et ont bloqué un chemin forestier menant au chantier.

Une injonction du tribunal autorise cependant la poursuite des travaux et la GRC a été appelée dans le but de la faire respecter, démantelant un point de contrôle au début de janvier 2019 et arrêtant 14 personnes.

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La déclaration l’investissement final du projet LNG Canada est officiellement signée le 2 octobre 2018.

La semaine dernière, le Guardian a rapporté qu’il avait consulté des notes d’une séance de stratégie suggérant que les commandants de la GRC avaient ordonné aux officiers d’utiliser autant de violence qu’ils le voulaient et qu’ils avaient discuté d’une possible « surveillance mortelle », une expression qui, selon le média britannique, est utilisée pour signifier le déploiement de tireurs d’élite.

Dans un communiqué publié lundi, la GRC affirme que son service a entamé une vérification de tous les documents relatifs à l’application de l’injonction et qu’elle n’a rien trouvé qui réfère aux allégations du reportage.

« Quelle que soit la source, les affirmations formulées dans l’article ne reflètent en aucun cas l’esprit et l’intention de la direction des commandants de la GRC chargés de planifier et d’exécuter la décision du tribunal, ça ne reflète pas, non plus, ce qui s’est réellement passé », peut-on lire dans le communiqué signé par le commissaire adjoint Dwayne McDonald.

« Il y a un certain nombre de termes utilisés dans le reportage qui ne sont généralement pas utilisés par la GRC lors de la planification opérationnelle et d’autres qui peuvent être utilisés, mais à notre avis, ont été sortis de leur contexte. Deux aspects qui sont préoccupants. »

La GRC affirme que le Guardian a refusé sa demande de pouvoir consulter les documents cités dans l’article du journal et qu’elle ne peut donc pas vérifier la validité des déclarations.

« Ce qui est le plus préoccupant, c’est la référence à la “surveillance mortelle”, qui, du point de vue de la GRC et des forces de police du monde entier, réfère à une position d’observation prise par des policiers armés, afin d’assurer la sécurité d’autres policiers et du public », a expliqué M. McDonald, qui est le commandant par intérim de la GRC en Colombie-Britannique.

« Le ou les policiers qui occupent ces postes de surveillance sont chargés d’observer et de protéger la sécurité des policiers affectés à d’autres tâches telles que le contrôle des foules, le déplacement de barrières ou l’arrestation de suspects. Ces agents ont besoin de protection, car ils pourraient ne pas être en mesure d’accéder à leur équipement pour se défendre. Ce terme n’indique aucune autre action que de l’observation avec une capacité de recourir à la force mortelle en cas de menace. »

Le Guardian a déclaré mardi dans un communiqué que son article avait été soigneusement fouillé et préparé.

Selon le média britannique, les documents consultés auraient été présentés dans une procédure judiciaire en Colombie-Britannique. Le journal est convaincu d’être juste sur le plan des faits et défend son histoire.

« Le rédacteur en chef indépendant du Guardian est satisfait de l’exactitude de notre interprétation de la “surveillance mortelle” », indique le communiqué de l’entreprise en référence à l’ombudsman interne du journal.

Le NPD fédéral exige une enquête complète sur la question par la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes de la GRC et le bureau du ministre Bill Blair.

Le porte-parole du NPD en matière de sécurité publique, Jack Harris, a envoyé une lettre au ministre lundi, lui demandant d’intervenir sur les allégations contenues dans l’article.