(Ottawa) Désormais minoritaire à la Chambre des communes, le gouvernement Trudeau donnera le coup d’envoi aux travaux parlementaires jeudi en présentant un discours du trône qui s’inspirera largement des promesses des libéraux durant la dernière campagne électorale.

L’allocution, qui sera prononcée par la gouverneure générale Julie Payette – et pour la première fois dans la chambre du Sénat provisoire –, durera une quarantaine de minutes et s’attardera sur cinq grands thèmes : le coût de la vie, les changements climatiques, la réconciliation avec les peuples autochtones, les communautés saines et sûres, ainsi que la place du Canada dans le monde, a indiqué mercredi une source gouvernementale.

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Le discours du trône sera prononcé pour la première fois
dans la chambre du Sénat provisoire.

« Le ton sera conciliant ; c’est une bonne chose que nous ayons tant de choses en commun avec d’autres partis », a fait valoir cette même source, citant entre autres les enjeux de l’environnement et du régime national d’assurance médicaments. Le texte n’ira pas non plus dans le détail. « Les mesures précises seront contenues dans les lettres de mandat des ministres, lesquelles seront rendues publiques très bientôt », a affirmé la source.

L’approche consensuelle n’est pas étrangère au fait que le gouvernement libéral minoritaire aura besoin de l’appui d’au moins l’un des trois partis de l’opposition reconnus aux Communes afin de survivre au vote de confiance qui doit conclure les débats parlementaires.

Avant de s’atteler à la rédaction de ce discours, le premier ministre Justin Trudeau a d’ailleurs pris soin de rencontrer les chefs de toutes les formations politiques afin de discuter de leurs priorités respectives.

L’appel à la conciliation semble avoir été entendu par certains leaders, en particulier le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet. Ce dernier a encore fait savoir mercredi que sa formation politique n’instrumentaliserait pas ce discours pour marquer des points politiques.

« Le discours du trône va énoncer de grands principes. Il ne va pas aller dans le détail de l’exécution et de la mise en œuvre des principes. Il faudrait vraiment que le premier ministre soit dans une humeur provocante pour ne pas réussir à construire un consensus autour du discours du trône », a exposé M. Blanchet.

« Justin Trudeau s’est traîné les pieds »

En revanche, le chef de l’opposition officielle, Andrew Scheer, s’est montré plus belliqueux à la veille de l’exercice. Car dans les rangs conservateurs, on ne s’en cache pas : on a bien l’intention de faire la vie dure à ce gouvernement minoritaire. « Nous sommes concentrés sur un but très précis : se débarrasser de ce gouvernement libéral plongé dans les scandales, dépensier, pour le remplacer par un gouvernement conservateur », a déclaré M. Scheer devant les membres de son caucus.

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Andrew Scheer, chef du Parti conservateur

Et les attaques seront menées sur tous les fronts, a-t-il prévenu, imputant la lenteur du premier ministre à convoquer la Chambre à une crainte de l’adversaire. « Justin Trudeau s’est traîné les pieds car il sait ce qui l’attend. […] Il a peur de nous affronter à la période des questions et il a peur de voir ce qui va se passer dans les comités parlementaires », a argué Andrew Scheer dans son discours.

Son lieutenant politique au Québec, Alain Rayes, a refusé de dire si l’opposition officielle s’opposerait au discours du trône. « On va en discuter en caucus et on vous l’annoncera en temps et lieu », a-t-il avancé en mêlée de presse. Il a rappelé qu’à la mi-novembre, Andrew Scheer a dévoilé sept mesures qu’il aimerait y voir, dont l’annonce de l’étude de la création d’un corridor énergétique national ou encore l’implantation d’une déclaration de revenus unique pour le Québec.

« Il ne peut tenir pour acquis notre appui »

Pour sa part, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a lancé un avertissement au premier ministre : il ne doit en aucun temps tenir pour acquis que son parti assurera la survie du gouvernement libéral durant les votes de confiance à venir, le premier test étant le discours du trône.

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Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique

S’il veut obtenir l’appui du NPD, Justin Trudeau devra gouverner d’une manière qui va faire une vraie différence dans la vie des gens ordinaires en jetant les bases d’un régime national d’assurance médicaments, par exemple.

« Nous voulons voir des signaux de la part de M. Trudeau démontrant qu’il est prêt à travailler avec nous. S’il veut simplement rester au pouvoir, il peut se tourner vers le Bloc québécois ou le Parti conservateur pour le faire. Mais s’il veut vraiment faire une différence dans la vie des gens et investir dans les soins de santé, investir dans l’assurance médicaments, s’attaquer à la crise des changements climatiques, alors là, il pourra compter sur notre appui. Il ne peut tenir pour acquis notre appui », a soutenu M. Singh.

La cheffe parlementaire du Parti vert, Elizabeth May, a déjà déclaré que les trois députés verts élus au dernier scrutin voteraient contre l’adoption du discours du trône parce que les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre du gouvernement Trudeau sont nettement insuffisantes, selon elle.