(Québec) Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, balaie du revers de la main une requête de l’opposition visant à forcer la Régie de l’énergie à venir témoigner à l’Assemblée nationale.

Le Parti libéral du Québec (PLQ), Québec solidaire (QS) et le Parti québécois (PQ) se sont ligués, vendredi, pour exiger la venue de la Régie en commission parlementaire étudiant le projet de loi 34 sur les trop-perçus d’Hydro-Québec.

Rarement a-t-on vu un projet de loi faire autant l’unanimité contre lui, a souligné le député péquiste Sylvain Gaudreault en point de presse pour marquer la dernière journée des consultations.

Avec son projet de loi 34, le gouvernement Legault croyait pourtant avoir trouvé le moyen de clore la saga des trop-perçus. Il prétend redonner aux Québécois 1,5 milliard, une affirmation contestée par pratiquement l’ensemble des groupes et experts venus témoigner.

Vendredi, le ministre Julien a affirmé avoir invité la Régie de l’énergie à comparaître en commission, mais celle-ci a refusé.

Son projet de loi – déposé le 12 juin dernier – permettrait de remettre 500 millions aux clients d’Hydro-Québec dès le début de 2020 et d’abolir le système annuel d’évaluation des tarifs d’électricité par la Régie de l’énergie. Au lieu de cela, les tarifs seraient gelés lors de la première année, puis fixés en fonction de l’inflation.

Au cours des quatre dernières années, les hausses de tarifs se sont plutôt situées en deçà de l’inflation, passant de 0,7 % en 2016, à 0,7 % en 2017, à 0,3 % en 2018 et à 0,9 % en 2019.

Après 2025, en vertu du projet de loi, Hydro-Québec devra demander à la Régie de l’énergie de fixer de nouveaux tarifs tous les cinq ans, et non chaque année, comme c’est le cas actuellement.

En juin, Hydro-Québec avait réagi en se déclarant « extrêmement satisfaite » des mesures proposées par le gouvernement.

L’opposition dénonce depuis lors la mise au rancart d’un important mécanisme de reddition de comptes et de transparence, et soupçonne que c’est une façon détournée pour le gouvernement de rehausser les tarifs.

« On dit que ce projet de loi n’est pas bénéfique pour les Québécois parce qu’il va faire augmenter leurs tarifs d’Hydro », a déclaré vendredi Ruba Ghazal, députée de QS.

« L’éléphant dans la pièce »

Selon Sylvain Gaudreault, la Régie de l’énergie doit venir éclairer les députés notamment sur les tendances du marché. Il est appuyé dans sa requête par Mme Ghazal et le libéral Saul Polo.

« L’éléphant dans la pièce, c’est la Régie de l’énergie, mais elle n’est pas avec nous », a déploré M. Gaudreault.

Il souligne que les commissions à l’Assemblée nationale ont le pouvoir de contraindre un groupe à venir témoigner, quitte à utiliser la sommation à comparaître. L’audience peut également être à huis clos, au besoin.

« Je ne connais pas les fins détails par rapport au pouvoir de contrainte, mais ce que je sais par exemple, c’est que plusieurs groupes ont été invités, certains ont décliné, d’autres ont accepté », s’est contenté de répondre M. Julien en mêlée de presse.

Sa pièce législative retire par ailleurs les obligations pour Hydro-Québec de faire autoriser par la régie les projets d’investissement en infrastructures et les autres initiatives de réorganisation du réseau de distribution d’électricité et de lui soumettre pour approbation ses programmes commerciaux.

Elle retire également l’obligation imposée à la Régie de l’énergie d’établir un mécanisme de réglementation incitative assurant la réalisation de gains d’efficience par le distributeur d’électricité et le transporteur d’électricité.

Question embarrassante

La question des trop-perçus – l’écart entre le rendement autorisé par la Régie de l’énergie et le rendement réel réalisé par Hydro-Québec – est embarrassante pour le gouvernement.

Dans l’opposition, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait calculé qu’entre 2008 et 2016, les Québécois avaient payé 1,5 milliard de plus que ce qu’ils auraient dû sur leur facture d’électricité. Elle exigeait le remboursement complet des trop-perçus, estimant qu’ils correspondaient à une « taxe déguisée ».

Une fois au pouvoir, elle n’en a rien fait. Selon le premier ministre François Legault, les Québécois allaient de toute façon bénéficier de la réduction de la taxe scolaire et de la hausse des crédits d’impôt pour les familles, des mesures qui totalisent ensemble 1,5 milliard par année.

Jonatan Julien a déposé le projet de loi 34 « pour essayer de calmer le jeu, gagner du temps pour donner l’illusion à la population qu’à travers le projet de loi, les 1,5 milliard de trop-perçus […] allaient être remboursés aux Québécois, a martelé M. Polo, vendredi. Ce projet de loi là a été rédigé par Hydro-Québec pour Hydro-Québec. »