Sans grande surprise, les élus libéraux du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international ont rejeté mardi la demande des partis de l’opposition qui réclament que la lumière soit faite sur une possible « tentative de museler et d’intimider » les anciens ambassadeurs du Canada en Chine.

Les élus conservateurs qui siègent au comité parlementaire ainsi que le député néo-démocrate Guy Caron, qui en est le vice-président, ont tenté en vain de convaincre leurs collègues libéraux, qui détiennent la majorité des voix, d’examiner les allégations selon lesquelles un responsable d’Affaires mondiales Canada aurait exercé une « pression indue » sur les ex-ambassadeurs David Mulroney et Guy Saint-Jacques.

Comme le rapportait The Globe and Mail la semaine dernière, les deux ex-diplomates ont reçu un appel du sous-ministre adjoint pour l’Asie-Pacifique d’Affaires mondiales Canada, Paul Thoppil, qui disait leur transmettre une demande du bureau du premier ministre pour qu’ils parlent « d’une voie unie » au sujet de la Chine.

Lundi, le premier ministre Justin Trudeau a nié en bloc les allégations voulant que son bureau ait « commandé » quoi que ce soit dans cette affaire. Le bureau de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a déjà fait savoir qu’il « n’essayerait jamais d’empêcher un ancien diplomate canadien de parler librement et publiquement ».

« Il faut que les députés libéraux de ce comité, qui n’est pas la Chambre des communes, comprennent leur rôle […] et qu’il est de notre devoir comme comité d’étudier une situation qui est éthiquement problématique […] et pour laquelle nous n’avons pas de réponse satisfaisante », a plaidé le député Guy Caron.

Chez les conservateurs, on prétend que l’histoire rappelle l’affaire Mark Norman et la controverse SNC-Lavalin. « On est dans un vieux film qui commence à être usé et qui est très mauvais », a illustré le député Pierre Paul-Hus. « Rappelons-nous le début de SNC-Lavalin, au départ le premier ministre a dit qu’il n’avait rien ordonné », a-t-il ajouté.

Mais les députés libéraux du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international sont demeurés de glace face aux arguments de leurs camarades. « Il est de notre responsabilité de veiller à ce que la politique n’empêche pas l’important travail du gouvernement », a pour sa part défendu le député libéral Robert Oliphant.

« Nous ne devrions pas gaspiller les ressources publiques pour “éliminer des possibilités” to drive down avenues] qui ne contribuent pas à sauver des vies. Il n’y a simplement pas d’histoire ici », a-t-il ajouté, faisant allusion à la détention « arbitraire » des Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor en Chine.

La requête des partis de l’opposition, qui réclamaient que le comité fasse entendre notamment Mme Freeland, M. Thoppil et les deux anciens ambassadeurs, a finalement été rejetée par cinq votes contre quatre.

Guy Saint-Jacques et David Mulroney interviennent fréquemment dans les médias pour commenter l’impasse diplomatique entre le Canada et la Chine. Les deux hommes ont confirmé avoir reçu un appel de Paul Thoppil. Dans les deux cas, le sous-ministre adjoint a fait allusion au bureau du premier ministre, ont-ils soutenu.

En entrevue avec La Presse la semaine dernière, M. Saint-Jacques a indiqué avoir été rappelé par Affaires mondiales Canada pour « clarifier la situation ». L’ex-diplomate, qui dit ne pas avoir senti que l’on voulait le museler, a conclu qu’il s’agissait d’un « exercice plutôt malhabile ».

Affaires mondiales Canada soutient que ces appels ont été faits dans le contexte d’engagement de mener « un débat public éclairé sur des questions d’importance en matière de politique étrangère, et de manière à ce que les commentaires d’autres personnes, tels que d’anciens diplomates, soient informés des circonstances actuelles ».