(Québec) Si François Legault perd le pouvoir en 2022, ce pourrait être en raison du fait qu’il n’a pas de vision d’avenir pour le Québec, reflet de son approche simpliste des enjeux de société, selon la candidate au leadership libéral Dominique Anglade.

Contrairement au premier ministre, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, première à se lancer dans la course à la succession de Philippe Couillard, promet qu’elle va proposer au cours des prochains mois une vision structurée, et à long terme, de ce que pourrait accomplir le Québec sous sa gouverne.

« Je n’arriverai pas comme candidate sans un projet de société à long terme », a indiqué Mme Anglade, en entrevue à La Presse canadienne.

Cette vision d’avenir « va tourner autour de l’économie et des changements climatiques », deux enjeux qui font partie de son ADN, dit l’ancienne ministre de l’Économie.

Aspirer à devenir « chef d’État, à être un leader, ça veut dire être visionnaire, ça veut dire que tu es capable de rassembler » les gens autour de toi, fait-elle valoir, ce qui la démarque de François Legault, selon celle qui offre ses services pour devenir première ministre en 2022.

« Je ne pense pas qu’il ait une grande vision » pour le Québec, juge celle qui a pu côtoyer de près le chef caquiste quand elle présidait la Coalition avenir Québec (CAQ), en 2012-2013.

Au contraire, François Legault base ses politiques sur des « impressions » et des « sentiments », au lieu de s’appuyer sur des faits « tangibles », ce qui est un tort, selon cette ingénieure de formation.

Elle reproche aussi au chef caquiste de proposer des idées élaborées « sur le coin d’une table », et de formuler des engagements politiques « qui ne tiennent pas la route, qui sont simplistes », comme les maternelles 4 ans ou la gestion des trop-perçus d’Hydro-Québec.

« Très mal à l’aise »

Elle dit avoir adhéré à la CAQ en 2012 – plutôt qu’au PLQ – parce que le parti fondé l’année précédente par François Legault se présentait comme une coalition formée de gens provenant de tous les horizons politiques, une idée séduisante à première vue.

Or, dans les faits, ce n’était « pas ça du tout », se rappelle l’ancienne présidente de la CAQ, qui dit s’être sentie rapidement « très mal à l’aise » au sein de ce parti.

« Je n’étais pas à la bonne place », a-t-elle conclu un an et demi plus tard, affirmant n’avoir jamais « regretté d’avoir quitté la CAQ ».

Si Dominique Anglade est élue chef par les membres du PLQ au printemps 2020, elle devra affronter le chef aguerri de la CAQ lors du prochain scrutin, à l’automne 2022, et elle se dit « extrêmement déterminée », prête à « livrer la marchandise » pour ramener le PLQ au pouvoir.

Mais pour y arriver, elle entend demeurer sur le terrain des idées, du programme, de la vision d’avenir qu’elle veut offrir, sans devoir « aller à la jugulaire » pour terrasser son adversaire.

Elle est d’ailleurs d’avis que les électeurs, ceux de la nouvelle génération en particulier, « ont soif pour autre chose » que l’éternel combat de coqs entre politiciens.

On ne doit pas « bâtir une société en fonction des faiblesses des autres », mais plutôt en misant sur les forces de chacun, dit celle qui est actuellement toute seule dans la course.

Sa vision des choses sera aussi enrichie par les propositions des militants, qu’elle rencontrera au cours de la tournée régionale qu’elle mène cet été pour mousser sa candidature.

ADN féministe

Ce parti pris pour une attitude moins belliqueuse n’est pas étranger au fait qu’elle soit une femme, selon cette féministe partisane de la « politique autrement ».

« C’est dans mon ADN d’être féministe », dit cette fille née au Québec de parents d’origine haïtienne, qui se définissaient tous les deux eux aussi comme féministes.

À ce propos, cette mère de trois enfants souligne que la cause des femmes est une bataille de longue haleine, et qu’il ne faut pas tenir pour acquises les victoires sporadiques en faveur de l’égalité.

L’histoire de l’humanité nous enseigne qu’il faut du temps pour imprimer des changements profonds dans la société, rappelle-t-elle.

Les changements souhaités en faveur de l’égalité « nécessitent qu’on reste vigilants pendant encore des années pour pouvoir nous assurer que ça fasse partie de la norme ».

Si elle devient première ministre, elle portera une attention spéciale à la place des filles en sciences et à celle des femmes sur le marché du travail, dit celle qui, à peine âgée de 24 ans, dirigeait déjà une usine comptant plus d’une centaine d’employés, « des hommes blancs, anglophones », dont la plupart avaient le double de son âge, précise-t-elle.

Habituée depuis longtemps à se sentir différente de ceux qui l’entourent, étant femme dans un monde d’hommes et noire dans un monde blanc, elle ne croit pas qu’en 2020 cela puisse nuire à ses chances de gagner.

« Les Québécois sont ailleurs », estime Mme Anglade, persuadée que les membres du parti vont « transcender » ce genre de considérations.

N’empêche. Si elle est élue chef du PLQ, elle en deviendra la première femme en plus de 150 ans d’existence. Et si le PLQ prend le pouvoir en 2022, ce sera la première fois qu’une personne qui n’est pas « de souche », issue d’une communauté culturelle, occupe le siège du premier ministre du Québec.