(Québec) Les gains obtenus en éducation grâce à la commission Parent des années 1960 se sont « effrités », si bien que le Québec se trouve désormais sur une « pente glissante », estime Québec solidaire (QS), qui considère le moment venu de refaire l’exercice.

La formation politique de gauche souhaite rassembler tous les partis représentés à l’Assemblée nationale, ainsi que les acteurs du réseau, autour d’une commission Parent 2.0 pour que le Québec se dote d’une vision globale en éducation, a appris La Presse canadienne.

Actuellement, les décisions tant sur les contenus d’enseignement que sur les méthodes d’évaluation et l’organisation du quotidien se prennent à la pièce, a déploré en entrevue la porte-parole de QS en éducation, Christine Labrie.

« Le système d’éducation craque de partout en ce moment », signale-t-elle, en mettant au défi le ministre caquiste de l’Éducation, Jean-François Roberge, d’accepter sa proposition et d’instaurer une commission d’enquête, qui pourrait devenir son legs politique.

Présidée par Monseigneur Alphonse-Marie Parent en 1961, la commission Parent a été l’un des piliers de la Révolution tranquille. Son but premier était la démocratisation et la hausse du taux de scolarisation.

Véritable force de changement, le rapport Parent de 1963-64 a notamment recommandé la création du ministère de l’Éducation et des cégeps, la scolarisation obligatoire jusqu’à 16 ans, la formation poussée des enseignants et l’accès facilité aux universités.

Surtout, il a promu l’égalité des chances, souligne Mme Labrie, qui estime ce concept malmené depuis des années avec l’arrivée entre autres des programmes particuliers. En 2016, le Conseil supérieur de l’éducation a décrété que l’école québécoise est la plus inégalitaire au pays.

Assise dans son bureau du parlement, Christine Labrie confie qu’elle a beaucoup réfléchi à cette question, d’abord en tant que citoyenne et mère de trois enfants, puis à titre de députée de Sherbrooke.

« Ce qu’on avait réussi à construire dans les années 1960-70 en implantant les recommandations du rapport Parent, ça s’est effrité au fil des années, et c’est pour ça qu’on est dû pour une nouvelle réflexion qui va tenir compte de la réalité d’aujourd’hui. »

Pour étayer son propos, Mme Labrie évoque la nouvelle loi qui encadre les frais scolaires, mais qui laisse le coût des programmes particuliers (sports-études, arts-études) libres d’augmenter. « Il y a vraiment une pente glissante qu’on vient d’entamer parce qu’on vient d’écrire dans la Loi sur l’instruction publique que c’est permis de charger des frais aux parents pour des programmes particuliers. La multiplication des programmes particuliers met des barrières à l’accès. […] Notre principal outil d’égalité des chances, (c’est) l’éducation. Si on nous dit qu’on n’est pas en train d’atteindre l’égalité des chances avec notre système d’éducation, comment va-t-on s’y prendre ? »

Manque de données

Les forums, colloques et états généraux, dont les derniers remontent à 1995 sous Jacques Parizeau, n’ont pas suffi, insiste la députée et doctorante en études des femmes. « Tout le monde repart en se disant : “Ah oui, c’était extraordinaire, on a fait de belles réflexions », et après ça le gouvernement dit : « C’était bien intéressant” et il ne le fait pas, tu sais. »

Ce n’est pas mieux d’avoir un gouvernement qui pense avoir trouvé toutes les solutions, d’après elle. Avant de forcer l’adoption de projets de loi sur la maternelle 4 ans et l’abolition des commissions scolaires, le gouvernement Legault devrait se donner un « véhicule » de « l’ampleur » d’une commission d’enquête, plaide-t-elle, afin d’examiner des questions telles que :

-la composition des classes ;

-les conditions de travail des enseignants ;

-l’accès aux services professionnels ;

-le financement des écoles privées ;

-l’école en région.

La commission qu’elle s’imagine serait non partisane et prendrait environ deux ans pour faire le tour du Québec et émettre des recommandations, qui seraient contraignantes. Car le Québec manque également cruellement de données, selon Québec solidaire, qui note que le ministère de l’Éducation n’a même pas documenté le phénomène des programmes particuliers.

« Combien coûtent nos programmes particuliers ? Quel pourcentage des élèves les fréquentent ? Comment ça a évolué dans le temps […] Ce serait quand même plus mobilisant […] d’arriver à des constats qui sont fondés sur des données, […] après ça, on pourrait agir de manière concertée, […] au lieu d’avoir toujours des acteurs du réseau qui se braquent parce qu’on n’a pas pris en compte leurs priorités », clame-t-elle.

Selon Christine Labrie, le ministre Roberge se heurte actuellement à « des levées de boucliers sur à peu près tout ce qu’il a proposé en éducation et c’est très difficile pour lui ». Elle lui soumet qu’il n’est pas trop tard pour prendre du recul.