(Ottawa) Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada enquêtera sur une fuite d’informations confidentielles entourant une nomination à la Cour suprême du Canada.

Le bureau du commissaire Daniel Therrien a décidé de déclencher une investigation après avoir reçu deux plaintes, selon ce qu’a signalé mardi Tobi Cohen, porte-parole au commissariat.

L’enquête couvrira les organisations assujetties à la Loi sur la protection des renseignements personnels, y compris le Bureau du Conseil privé et le ministère de la Justice, a-t-elle précisé à La Presse.

Les fuites médiatiques au coeur de l’enquête sont en lien avec l’affaire SNC-Lavalin, les informations ayant fait surface alors que Justin Trudeau s’apprêtait à chasser du caucus libéral son ancienne ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould.

On comprenait, à la lecture des reportages de CTV et de l’agence La Presse canadienne, qu’un désaccord avait éclaté avant le premier ministre et sa procureure générale dès 2017, donc avant celui sur la firme, sur l’enjeu d’une nomination à la Cour suprême.

La ministre démissionnaire aurait voulu désigner le juge en chef de la Cour du banc de la reine du Manitoba, Glenn Joyal, et l’élever directement au poste de juge en chef à la Cour suprême, ce qui aurait rompu avec la tradition d’alternance entre les juges du Québec et les juges du Canada à la barre de la Cour.

La publication de ces informations a désolé le juge Joyal. Il a fait une sortie pour préciser qu’il avait retiré sa candidature puisque sa femme souffrait d’un cancer du sein, et pour dénoncer l’exploitation de sa candidature à des fins politiques.

Les fuites ont aussi suscité des inquiétudes dans le domaine judiciaire. Le commissaire à la magistrature fédérale du Canada, Marc Giroux, s’est dit «profondément troublé et préoccupé» par la divulgation de telles informations aux médias, le 27 mars dernier.

L’ancienne ministre Wilson-Raybould avait exprimé le même sentiment. «Compte tenu du sérieux de l’enjeu, je crois que l’on devrait songer à mener une forme d’enquête sur la source de l’information», a-t-elle déclaré en réaction aux reportages.

La députée désormais indépendante n’a pas souhaité commenter l’ouverture de l’enquête du commissaire Therrien, mardi. «Ma déclaration antérieure sur les «fuites» tient toujours», a-t-elle écrit dans un courriel à La Presse, mardi.

«Je n’ai pas fait de plainte au commissaire à la protection de la vie privée», a-t-elle par ailleurs spécifié dans le même message.

Le bureau du premier ministre Trudeau a nié être derrière ces fuites dans les médias.

L’opposition, quant à elle, continue à réclamer le déclenchement d’une enquête. Les conservateurs ont réitéré la demande dans la foulée de l’annonce surprise du départ à la retraite du juge québécois Clément Gascon.

Le magistrat âgé de 59 ans, qui a été nommé par Stephen Harper en juin 2014, était bien loin de l’âge de la retraite obligatoire de 75 ans. Dans un communiqué diffusé par la Cour, on écrit qu’il a pris cette décision pour «des raisons personnelles et familiales».

Le juge en chef du plus haut tribunal au pays, Richard Wagner, a dit espérer qu’un successeur sera nommé promptement. Le bureau du premier ministre Justin Trudeau a assuré que le processus serait déclenché dans les prochains jours.