« Ici donc meurt le journalisme », « Trudeau vient de nationaliser le nouveau journalisme » : les conservateurs ne digèrent pas le plan concocté par les libéraux pour aider les médias.

Les députés conservateurs ont exprimé leur indignation avec un barrage de questions en Chambre et une déferlante de tweets, jeudi, au lendemain de l'annonce d'une aide totalisant 595 millions sur cinq ans pour l'industrie des médias en difficulté.

« Pourquoi le premier ministre tente-t-il d'acheter les médias en cette année électorale au lieu de soutenir les anciens combattants », a notamment soulevé l'élu conservateur Phil McColeman pendant la période des questions.

À cette question, l'élu libéral Andy Fillmore a répondu que « cette théorie du complot est une insulte à l'intelligence des Canadiens et au professionnalisme des journalistes ». Il a passé une bonne partie de la séance debout à répondre aux objections venant des banquettes d'en face.

L'élue albertaine Michelle Rempel s'affiche quant à elle sur les réseaux sociaux comme l'une des plus choquées par ces mesures d'aide, car le plan signifie selon elle « la mort de la liberté d'expression au Canada », a-t-elle prévenu sur Twitter.

« Trudeau vient de nationaliser le nouveau journalisme. Le comité qui décidera qui touche de l'argent en fonction des "standards journalistiques" sera mis sur pied par lui », a-t-elle écrit sur le même réseau social.

« Tout journaliste qui prend cet argent ne sera dès lors plus indépendant. Ici donc meurt le journalisme », a-t-elle ajouté dans le même tweet.

Ils ont été plusieurs, dans les rangs conservateurs, à soutenir que le plan d'aide fédéral, qui prendra la forme de crédits d'impôt, était une façon « d'acheter le contrôle des médias dans une année électorale ».

Le député et ancien journaliste Peter Kent fait partie du lot. « Absolument », a-t-il lâché quand on lui a demandé si, à titre d'ex-reporter, il considérait que ce plan d'aide pourrait représenter un problème lors de la prochaine élection.

« C'est l'impression que les libéraux laissent en faisant cela à la veille d'une année électorale », a exposé l'élu. Selon lui, il ne revient pas au gouvernement d'offrir de l'aide financière aux médias.

« Pente glissante »

Le sénateur conservateur Claude Carignan ne partage pas son avis.

« Certains diront que c'est la loi du marché, qu'il n'appartient pas aux gouvernements d'intervenir pour soutenir cette industrie. Je ne partage pas cet avis », a-t-il écrit dans une lettre ouverte datée de jeudi.

Et il voit un certain danger de suggérer que les libéraux de Justin Trudeau ont « acheté » les journalistes dans l'espoir d'influencer en leur faveur la couverture journalistique pour la période électorale.

« Je pense que c'est une pente glissante, qu'il faut arrêter, qu'il ne faut pas aller plus loin. Je pense qu'il ne faut pas non plus exagérer », a affirmé en entrevue le sénateur connu pour le projet de loi sur la protection de sources journalistiques qu'il a mis de l'avant et fait adopter.

« Frayeur »

La ministre Mélanie Joly a défendu jeudi l'aide gouvernementale. « Pour notre part, on sait très bien qu'il faut respecter l'indépendance des médias. La réalité, c'est qu'il y a plusieurs pays qui ont décidé d'aller de l'avant, comme la France et la Grande-Bretagne », a-t-elle exposé.

« Je pense que Mme Rempel devrait peut-être parler aux conservateurs en Grande-Bretagne pour voir ce qu'ils font avec le soutien aux médias », a-t-elle enchaîné en mêlée de presse.

Le député néo-démocrate Alexandre Boulerice ne s'est pas montré impressionné par les sorties des conservateurs.

« Ça dénote un peu la frayeur que les conservateurs avaient des journalistes, de votre travail, pendant les années où ils étaient au gouvernement. On sent que les années Harper reviennent un peu dans ce genre de discours-là », a-t-il suggéré en mêlée de presse.

« En attaquant le gouvernement, en disant qu'on vient de nationaliser les salles de nouvelles et les journalistes... ce n'est pas du tout le cas », a argué l'élu.