Il est difficile de croire que la ministre Caroline Mulroney cautionne les « attaques » contre les francophones que mène le premier ministre Doug Ford du haut de sa « tour d'ivoire », estime le président l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario (AFO), Carol Jolin.

Chose certaine, les charges auxquelles se livre le chef progressiste-conservateur de l'Ontario depuis qu'il a pris les commandes à Queen's Park sont un « manque de respect » envers la francophonie, et elles n'annoncent rien qui vaille pour la suite des choses, a-t-il soutenu.

« Si je regarde tout ce qui a été fait depuis que le gouvernement a pris le pouvoir, ça commence à ressembler à une attaque envers la francophonie », a laissé tomber Carol Jolin en conférence de presse à Ottawa, jeudi.

En plus d'avoir dissous le Commissariat aux services en français et abandonné le projet de l'Université de l'Ontario français, le gouvernement Ford a annulé l'aide financière de 2,9 millions que les libéraux avaient promise au théâtre La Nouvelle Scène.

« On a commencé avec deux dossiers, et je crains qu'il y en ait d'autres », a laissé tomber le président de l'AFO, qui a réclamé jeudi une rencontre avec le premier ministre de l'Ontario en assurant qu'il n'était « pas trop tard » pour faire marche arrière.

L'AFO lançait jeudi son mouvement de « résistance » en invitant les francophones de l'Ontario et de partout au pays à se mobiliser contre les coupes de Doug Ford. Une quarantaine de manifestations doivent avoir lieu à l'échelle de la province le 1er décembre.

« Ce n'est pas juste une question de francophonie ontarienne, c'est une question de francophonie nationale. Toutes les provinces, y compris le Québec, veulent nous voir réussir, veulent voir les autres provinces réussir dans le domaine de la francophonie », a dit M. Jolin.

Invité à se prononcer sur le rôle de la ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney, il a suggéré que celle-ci n'était probablement pas d'accord avec ces mesures, et qu'elle était probablement victime de la « ligne de parti ».

« Honnêtement, je crois que sur certains enjeux, elle n'est pas d'accord avec ce qui est en train de se passer, mais elle doit suivre ce que dit le premier ministre », a avancé M. Jolin. Il n'est donc pas question, pour lui, de réclamer la démission de la ministre.

« Definitely upset »

Le président de l'AFO a par ailleurs félicité l'adjointe parlementaire de la ministre, la députée franco-ontarienne Amanda Simard, qui a brisé les rangs et désavoué les décisions annoncées jeudi dernier par Doug Ford en publiant un message sur Facebook mercredi soir.

L'élue a assuré avoir tenté « d'utiliser les voies diplomatiques pour régler les situations [...] avant de réagir publiquement », précisant avoir été informée des décisions « à peine quelques minutes avant les annonces officielles ».

Assurant être pour les Franco-Ontariens une « alliée », elle a dit partager leur déception et leur frustration. « En passant, j'ai lu quelque part que la députée Simard "might be upset" ». Faux. Je suis « "definitely upset" », a tranché l'élue de Glengarry-Prescott-Russell.

Du côté de Queen's Park, la porte-parole libérale en matière d'affaires francophones, Marie-France Lalonde, a dit trouver courageux qu'une députée du caucus « dise "Eh, M. Ford, vous devez repenser à ça" ».

Vers une poursuite judiciaire ?

L'AFO espère que les progressistes-conservateurs feront marche arrière. Mais s'ils font la sourde oreille, « un recours judiciaire n'est pas écarté », a insisté M. Jolin. Car les Franco-Ontariens ne laisseront pas passer les assauts de Doug Ford sans coup férir.

D'ailleurs, quelque 70 juristes ont tenu une conférence téléphonique jeudi matin afin d'évaluer les options. L'affaire pourrait donc se transporter devant les tribunaux, et ce, même si l'AFO espère trouver une « solution politique », a spécifié son président.

En début de semaine, la ministre fédérale de la Francophonie et des Langues officielles, Mélanie Joly, a fourni des munitions à la communauté franco-ontarienne en annonçant l'élargissement des critères du programme fédéral de contestation judiciaire.

Ce programme a été fort utile aux Franco-Ontariens à la fin des années 1990 dans la bataille judiciaire qu'ils avaient menée, et gagnée, contre la décision du gouvernement de Mike Harris de fermer l'hôpital Montfort, seul hôpital universitaire francophone de l'Ontario.

« C'est évident qu'on s'est réjoui que le gouvernement fédéral le remette sur les rails. Pour nous, c'est extrêmement important, surtout si on veut aller dans cette voie-là - on sait que les avocats ne travaillent pas pour des pinottes ! », a convenu M. Jolin.

Le comité sur « la crise »

De son côté, le comité permanent des langues officielles a décidé jeudi matin de consacrer toutes ses réunions d'ici la fin de l'année à cette « crise en Ontario », une décision qui a été prise à l'unanimité.

« Le dossier de l'Ontario devient notre priorité », a expliqué en mêlée de presse le président du comité, Denis Paradis.