Dans son mémoire sur la Charte de la laïcité qu'il rendra public lundi, l'Hôpital général juif martèle qu'il «s'oppose fermement» au projet de loi 60, «parce que l'interdiction du port de symboles religieux imposée au personnel du secteur de la santé est un geste profondément discriminatoire et insultant pour ces travailleurs». Dans le document de 45 pages obtenu par La Presse, l'établissement avertit même qu'il entreprendra «une contestation judiciaire contre l'application de ce projet de loi» s'il est adopté.

Le mémoire de l'hôpital compte parmi les quelque 200 déposés en vue des audiences sur le projet de loi 60 qui commenceront mardi. Les audiences devraient durer une bonne partie de l'hiver.

«En cherchant à priver certains travailleurs de la santé [...] de leur liberté de religion et d'expression, la loi proposée est fondamentalement viciée et elle va à l'encontre des valeurs d'inclusion et de tolérance qui caractérisent la société québécoise», estime l'hôpital.

Fait inusité, l'institution plaide même sa cause en citant la parabole du bon Samaritain tirée du Nouveau Testament. «Une des leçons à tirer de cette parabole est que l'important n'est pas dans les attributs de la personne qui vient en aide à «son prochain», mais dans le fait que l'aide est apportée.»

L'Hôpital juif estime que la Charte est si discriminatoire envers les employés de différentes confessions qu'elle entraînerait inévitablement «un exode de la main-d'oeuvre et des problèmes importants de recrutement».

L'Hôpital général juif est souvent considéré comme les «Nations unies des hôpitaux». Située dans le quartier Côte-des-Neiges, l'un des plus multiethniques du pays, l'institution soigne des patients parlant 90 langues. Les 5200 employés de l'établissement sont également de plusieurs nationalités.

Jamais de plaintes

L'hôpital rappelle que les plaintes concernant les signes religieux dans les hôpitaux du Québec sont très rares. La commissaire aux plaintes de l'Hôpital général juif ne reçoit jamais de plainte à ce sujet, est-il écrit dans le mémoire. L'hôpital mentionne aussi qu'en octobre, l'Association québécoise d'établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) a publié les résultats d'un sondage disant que dans 74 établissements sondés, 99 % avaient indiqué qu'ils n'avaient pas de problèmes importants concernant des demandes d'accommodement religieux. «C'est pourquoi, en imposant aux employés du secteur public des restrictions au port de signes religieux ostentatoires, le gouvernement propose une prétendue solution à un problème qui n'existe pas.»

L'Hôpital général juif plaide pour que les conseils d'administration des hôpitaux, dont les membres sont élus par la population, continuent d'avoir l'autonomie pour gérer les demandes d'accommodements raisonnables, quand elles se présentent.