Le Sénat a officiellement confié le dossier de Mike Duffy à la Gendarmerie royale du Canada, mardi soir, dans la foulée de nouvelles révélations concernant ses demandes de remboursement de dépenses.

Une enquête menée par l'administration du Sénat et rendue publique à une réunion du comité de régie interne indique que M. Duffy a réclamé des indemnités quotidiennes réservées aux journées de travail à Ottawa pendant 49 jours alors qu'il ne se «ne se trouvait visiblement pas» dans la capitale nationale.

Un rapport de la firme Deloitte avait déjà relevé le phénomène il y a quelques semaines concernant le cas précis d'un séjour en Floride, en janvier 2012. Le sénateur l'avait expliqué en disant qu'il s'agissait de l'erreur d'une employée qui travaillait temporairement à son bureau.

Mais le rapport présenté mardi va plus loin. Il évoque une demi-douzaine de journées où cette indemnité quotidienne a été réclamée (et payée) au cours de la dernière campagne électorale. Des médias ont déjà rapporté qu'il faisait campagne pour le Parti conservateur pendant certaines de ces journées. Sur les 49 réclamations visées, également, seulement 25 ont été payées par l'administration du Sénat, qui aurait refusé de rembourser les autres. La période couverte va d'avril 2011 à mars 2012.

«L'examen porte à conclure que selon les contestations de Deloitte au sujet des indemnités quotidiennes que le sénateur Duffy a réclamées en janvier 2012 pendant qu'il était en Floride, n'est pas un incident isolé, mais dénote plutôt une tendance qui soulève des inquiétudes», peut-on lire dans ce nouveau document.

Les sénateurs conservateurs ont dit n'avoir d'autre choix que de confier l'affaire «aux autorités compétentes». Le comité de régie interne du Sénat, qui siégeait exceptionnellement publiquement, a donc adopté une motion qui prévoit que «le Sénat recommande aux autorités compétentes d'examiner les questions faisant l'objet de ce rapport et les renseignements connexes».

Fait important: l'opposition libérale est parvenue à amender cette motion pour en élargir la portée et y inclure les mots «incluant le remboursement de 90 000 dollars de M. Duffy au gouvernement du Canada». Les membres conservateurs du comité ont semblé vouloir s'opposer à ce changement, puisque l'ancien chef de cabinet du premier ministre Stephen Harper, Nigel Wright, a admis avoir lui-même fourni les fonds au sénateur, mais ils l'ont finalement accepté.

Ce faisant, le comité de régie interne s'est donc dessaisi de l'étude du dossier, à la satisfaction de l'opposition libérale, qui remettait son intégrité en question depuis que des modifications controversées avaient été apportées à son rapport initial sur Mike Duffy.

Duffy absent

M. Duffy, qui siège comme sénateur indépendant depuis qu'il a démissionné du caucus conservateur, ne s'est pas présenté à la réunion. Il avait pourtant été convoqué et il avait lui-même réclamé la tenue d'une réunion publique afin de pouvoir s'expliquer. Il n'a pas justifié son absence.

La GRC n'a pas réagi, mardi. On a appris la semaine dernière qu'elle se penchait déjà sur cette affaire et que le Sénat lui avait remis certains documents réglementaires au cours des derniers jours. Dans une lettre adressée au greffier de la Chambre haute, le corps policier fédéral a dit vouloir vérifier si une enquête était nécessaire.

Barrage de questions

Plus tôt dans la journée, le premier ministre Harper a fait face à un véritable barrage de questions de la part de l'opposition lors de sa première présence à la Chambre des communes depuis la démission de son chef de cabinet, il y a 10 jours. Il était en mission commerciale en Amérique du Sud la semaine dernière.

Le premier ministre a répondu à pas moins de 23 questions, dont 17 posées par le chef du NPD Thomas Mulcair et 6 par le chef du Parti libéral Justin Trudeau.

Le premier ministre a réitéré qu'il avait été mis au courant par les médias le mercredi 15 mai. «Ces affaires sont entre M. Wright et M. Duffy», a-t-il par ailleurs martelé, ajoutant qu'il s'en remettait aux enquêtes menées par les commissaires à l'éthique des deux chambres du Parlement.