(Ottawa) Le Canada dépoussière et met à jour les protocoles d’urgence pour faire face aux retombées d’un éventuel évènement nucléaire tactique en Europe ou à la propagation des radiations à travers l’océan suite à l’explosion d’une centrale électrique ukrainienne.

Les notes internes de Sécurité publique Canada montrent que les actions comprennent la mise à jour d’un plan hautement secret pour garantir que le gouvernement fédéral puisse continuer à fonctionner en cas de crise aiguë.

Ottawa prenait également des mesures pour finaliser un protocole pour informer le public canadien d’un missile balistique entrant, indiquent les notes obtenues par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février de l’année dernière a suscité une série de discussions et d’initiatives fédérales visant à renforcer la préparation du Canada à un évènement nucléaire catastrophique.

Centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia

Les notes de la Sécurité publique préparées avant une réunion d’août 2022 de hauts fonctionnaires impliqués dans la gestion des urgences montrent une grande partie de l’inquiétude centrée sur la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijia, qui a été touchée par des bombardements.

« Les activités militaires en cours ont érodé les systèmes de sécurité, perturbé l’entretien de routine, affaibli les capacités d’intervention d’urgence et impacté le personnel d’exploitation, augmentant le risque d’accident grave », indiquent les notes.

Les responsables ont prévu que les effets potentiels d’un rejet incontrôlé de radioactivité, par exposition directe ou consommation d’aliments contaminés, dépendraient de la proximité de la centrale.

Affaires mondiales Canada a acheté des comprimés d’iodure de potassium par précaution, et les stocks ont été distribués à Kyiv et aux missions diplomatiques voisines en août 2022.

Les responsables ont également élaboré des plans pour une « augmentation significative des demandes d’assistance consulaire » attendue après une catastrophe dans une centrale électrique.

Aucun effet radiologique sur la santé n’était prévu à l’extérieur de l’Ukraine à la suite d’un important rejet de rayonnement de Zaporijia, ni aucun « risque appréciable » pour les personnes au Canada, selon les notes.

« Aucune mesure de protection immédiate ne devrait être mise en œuvre, bien que certains contrôles pourraient être mis en place pour les importations en provenance d’Ukraine et des régions environnantes en raison d’une contamination potentielle », peut-on lire dans le document.

Dans le cadre du Plan fédéral en cas d’urgence nucléaire, Sécurité publique coordonnerait la communication au public au sujet d’un évènement nucléaire international.

« Une réponse opportune et bien coordonnée sera nécessaire pour répondre aux préoccupations du public et à la perception des risques élevés, et maintenir la confiance dans le gouvernement. »

Les notes indiquent également que la Sécurité publique et le Bureau du Conseil privé procédaient à un « rafraîchissement rapide » du plan de continuité de l’État constitutionnel, destiné à garantir que les processus exécutifs, législatifs et judiciaires essentiels puissent avoir lieu lors d’une calamité majeure.

Relocalisation des institutions clés

Le plan établit un processus de relocalisation des institutions clés, dont le cabinet du premier ministre, le cabinet fédéral, le Parlement et la Cour suprême, dans un autre site à l’extérieur de la région de la capitale nationale.

Le plan est une version moderne d’un programme de l’époque de la guerre froide qui aurait vu des membres du gouvernement déménager dans une installation souterraine à l’ouest d’Ottawa maintenant connue sous le nom de Diefenbunker, un clin d’œil au 13e premier ministre du Canada.

Les notes internes indiquent également qu’un protocole national d’avertissement de missiles a été ratifié et qu’un « engagement initial » avec les provinces et les territoires a eu lieu.

Le gouvernement fédéral et les Forces armées canadiennes ont élaboré le protocole en 2018 pour définir comment le public et les principaux partenaires fédéraux seraient informés d’un missile entrant. Le 13 janvier 2018, une fausse alerte de missile balistique a semé la panique à Hawaii et des gens se sont précipités pour se mettre à l’abri.

Dans une réponse écrite à des questions posées, Sécurité publique Canada a déclaré que le plan de continuité de l’État constitutionnel et le protocole d’alerte aux missiles sont « en constante évolution » sur la base des leçons tirées d’autres évènements, des contributions continues des partenaires et de l’évolution de l’environnement de risque.

Il n’est pas inhabituel qu’une crise comme celle qui se déroule en Europe incite les responsables à accélérer la révision des plans d’urgence, a déclaré Ed Waller, professeur à l’Ontario Tech University qui étudie la sécurité nucléaire.

« Je pense que cela montre un système réactif, a-t-il déclaré dans une entrevue. C’est en fait très encourageant qu’ils jettent un coup d’œil sérieux à cela maintenant. »

Dans l’ensemble, le Canada a depuis longtemps des plans bien pensés et élaborés pour faire face à une urgence nucléaire, compte tenu du nombre de réacteurs de puissance sur son sol, a-t-il ajouté.

« Je crois honnêtement que nous sommes dans une forme décente. Est-ce que ça peut aller mieux ? Oui, tout peut aller mieux. »

Bien que certains éléments sensibles des notes récemment dévoilées aient été écartés, M. Waller a déclaré qu’il « semblait encourageant qu’ils s’attardent aux choses importantes ».