D’anciens ministres appellent Ottawa à une « réévaluation majeure » de la sécurité du pays

Plus d’un an après le début de l’invasion russe en Ukraine, d’anciens ministres, ambassadeurs et chefs d’état-major appellent le gouvernement Trudeau à entamer une « réévaluation majeure » de la position de défense du Canada, afin de protéger le pays contre de potentielles menaces « étrangères ou domestiques ».

« La guerre d’agression brutale de la Russie en Ukraine, premier conflit majeur en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, ainsi que l’expansion continue des arsenaux militaires des régimes autoritaires prêts à recourir à la force pour réaliser leurs politiques revanchardes auraient dû entraîner une réévaluation majeure de notre position de défense », lit-on dans une lettre signée par des dizaines de personnalités de renom, publiée ce lundi dans la section Débats de La Presse.

On retrouve notamment parmi les signataires les anciens ministres de la Défense nationale Peter MacKay et David Pratt, mais aussi l’ex-juge en chef de la Cour suprême du Canada Beverley McLachlin, ou encore l’ancien président du comité militaire de l’OTAN et chef d’état-major de la défense Raymond Henault. Plusieurs anciens ministres, sénateurs, ambassadeurs ou gestionnaires se joignent aussi à eux.

Ensemble, ils déplorent que « malheureusement, le récent budget fédéral a été en grande partie un résumé des annonces précédentes, sans reconnaître que le gouvernement doit accélérer les programmes de dépenses et débloquer d’importants fonds supplémentaires pour remédier aux déficits de longue date en matière de capacités et de préparation militaires ».

Saluant « les récentes annonces de la ministre de la Défense, Anita Anand, » sur l’acquisition de remplaçants pour la flotte d’avions CF-18 et la modernisation du NORAD, les signataires insistent toutefois sur le fait qu’il faudra « faire beaucoup plus ».

« Il est essentiel que le gouvernement investisse dans l’amélioration de la capacité du Ministère à dépenser son budget de manière rapide et opportune », martèlent-ils.

« La prochaine mise à jour de la politique de défense est tardive et intervient à un moment de grand péril pour la paix et la sécurité mondiales, compte tenu des menaces posées par la Chine et la Russie », maintiennent toutefois les signataires, en martelant que « la sécurité et les libertés du Canada ne peuvent être tenues pour acquises ».

Une démarche non partisane

Aux yeux des signataires, le gouvernement Trudeau devrait immédiatement « accélérer les délais et achever le travail critique nécessaire pour remédier à l’état médiocre des capacités et de l’état de préparation de notre nation en matière de défense ». « À condition d’être correctement expliqué, nous pensons que cela pourrait être réalisé sur une base non partisane et avec un large soutien du public », font-ils valoir.

Ultimement, « le Canada ne peut pas se permettre de continuer à faire comme si de rien n’était ». « Nous encourageons vivement le premier ministre Justin Trudeau et son cabinet à prendre les devants et à agir avec un sentiment d’urgence pour réaliser l’appel du secrétaire général de l’OTAN de traiter l’objectif du 2 % du PIB comme un plancher et non un plafond en matière de dépenses », lit-on plus loin dans ladite lettre.

En juin dernier, le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, avait révélé dans un rapport que le gouvernement fédéral devrait augmenter les dépenses militaires de 75,3 milliards au cours des cinq prochaines années pour que le Canada atteigne l’objectif de consacrer 2 % de son PIB à la défense, comme l’exige l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

Le moment est venu d’honorer pleinement les engagements que nous avons pris à l’égard de nos alliés et partenaires en partageant le fardeau de la sécurité collective, qui est essentielle pour préserver notre paix, notre prospérité et notre mode de vie.

Extrait de la lettre

Selon les chiffres qui ont été fournis par le gouvernement fédéral en date de l’été dernier, les dépenses militaires du Canada passeront de 36,3 milliards de dollars en 2022-2023 à environ 51 milliards en 2026-2027. Cette augmentation de 15 milliards fera passer les dépenses militaires du pays de 1,33 % du PIB à 1,59 %.

Depuis que la Russie a lancé son invasion de l’Ukraine, les pressions s’accentuent sur le gouvernement Trudeau pour qu’il augmente considérablement les dépenses en matière de défense.

Fin août, les Forces armées canadiennes se trouvaient à 9500 personnes en deçà du seuil de personnes prêtes à être déployées. « C’est préoccupant et cela nous place dans une situation très précaire », avait alors indiqué le major-général Simon Bernard, directeur général du personnel militaire, en entrevue avec La Presse.

Plus récemment, en février, Justin Trudeau avait annoncé que le Canada ferait don de quatre chars de combat Leopard 2 supplémentaires pour soutenir les Forces armées ukrainiennes dans leur défense contre les forces russes, portant ainsi la contribution du Canada à huit chars au total.