En concentrant ses efforts sur la réfection des principales voies de circulation, la Ville de Montréal a laissé les nids-de-poule et fissures proliférer dans les rues de quartier. C'est ce que révèle le tout premier portrait exhaustif des infrastructures de la métropole, un exercice qui a coûté 50 millions.

La Ville de Montréal vient d'adopter son tout premier Plan d'intervention intégré, un imposant document détaillant l'état de l'ensemble de ses égouts, aqueducs et chaussées. Cet outil doit servir à planifier les travaux les plus urgents afin de retaper les infrastructures vieillissantes de la métropole.

L'auscultation des rues de Montréal révèle que les efforts consacrés ces dernières années à remettre en état les principales artères traversant Montréal se sont faits au détriment des rues de quartier, qui ont reçu peu d'attention. Le rapport évalue que l'état de 30% des chaussées dites «locales» va de «passable» à «très mauvais». En comparaison, moins de 5% du réseau artériel affiche une telle dégradation.

C'est à Verdun que l'on retrouve les rues les plus détériorées. Plus de 10% de ses chaussées sont considérées comme dans un «mauvais» ou «très mauvais» état. Les rues résidentielles des arrondissements Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, Lachine et Ahuntsic-Cartierville affichent également de fortes dégradations.

À l'inverse, aucune rue de Saint-Léonard n'a été jugée en «mauvais» ou «très mauvais» état. Il s'agit du seul arrondissement à afficher un tel résultat.

Insatisfaction des citoyens

L'état des rues suscite de plus en plus de critiques des citoyens, constate-t-on à la Ville. «Je reçois beaucoup de commentaires concernant les nids-de-poule», a d'ailleurs récemment souligné le maire Denis Coderre lors d'une rencontre entre élus. Il a demandé un rapport pour évaluer si les trous dans la chaussée prolifèrent davantage en 2014. Signe de l'exaspération des Montréalais, un photographe de La Presse s'est d'ailleurs fait vivement apostropher par un citoyen qui pensait avoir affaire à un employé de la Ville venu constater la dégradation de sa rue.

Et l'insatisfaction citoyenne n'est pas près de disparaître. Le Plan d'intervention intégré conclut que les investissements réalisés sont insuffisants pour freiner la dégradation. «On remarque que l'effort actuel n'est pas suffisant pour maintenir les niveaux de service attendus, en fonction des prévisions de dégradations», peut-on lire.

«Les rues ont souffert d'un sous-investissement depuis des décennies», dit le responsable des infrastructures de Montréal, Lionel Perez. L'élu indique que les budgets pour refaire les chaussées locales ont été augmentés, mais qu'il faudra plusieurs années avant de corriger la situation.

Le problème d'entretien des rues de quartier provient en grande partie du fonctionnement même de la Ville, selon le numéro deux de Projet Montréal, Marc-André Gadoury. Les 3175 km de voies locales relèvent des arrondissements. Or, les administrations locales se plaignent depuis des années d'être sous-financées. Mieux nantis, les services centraux sont quant à eux responsables de l'entretien de 850 km de voies artérielles. «Après 10 ans, c'est donc normal qu'on ait de meilleures chaussées sur le réseau artériel que le réseau local», estime Marc-André Gadoury.

État «préoccupant» des égouts

Les problèmes de chaussée ne sont pas les seuls à miner les infrastructures de Montréal. Le réseau d'égouts aussi affiche une forte dégradation. «L'état des réseaux d'égouts de la ville est préoccupant», souligne d'ailleurs ce rapport. On y évalue que 15% des conduites inspectées sont dans un état critique. Or, comme environ 20% des égouts n'ont pas encore été inspectés, «il faut s'attendre à une augmentation substantielle des conduites considérées comme étant critiques et qui demanderont des interventions à court terme».

Des économies à prévoir

S'il a coûté 50 millions à réaliser, le Plan d'intervention intégré devrait générer d'importantes économies, anticipe la Ville. Ou à tout le moins, permettre d'en faire plus avec moins. L'objectif est en effet de cibler les segments de rues où tant les égouts, les aqueducs que la chaussée sont à refaire.

Ainsi, au lieu d'avoir à investir 676 millions par année pour entretenir ses infrastructures, Montréal évalue qu'elle pourrait arriver aux mêmes résultats avec 477 millions, soit une économie annuelle de 200 millions.

Marc-André Gadoury espère surtout que ce plan permettra de mieux planifier les chantiers et d'éviter la répétition des erreurs commises sur le boulevard Saint-Laurent. Rappelons que la Ville avait dû défaire la chaussée qui venait d'être refaite pour remplacer certaines infrastructures souterraines.

Le Plan a toutefois pris six ans à réaliser, si bien que le portrait paraît décalé par moments. Certaines rues décrites comme en très mauvais état ont depuis été refaites, tandis que des chaussées jugées acceptables sont aujourd'hui dans un état lamentable, a constaté La Presse.

Lionel Perez aimerait que l'auscultation des réseaux se fasse aux deux ans plutôt qu'aux quatre ans, comme c'est le cas présentement. «Ça nous permettrait d'intervenir plus rapidement lorsque nécessaire.»

infographie La Presse