Des ministres fédéraux minimisent les risques de profilage et de violation des droits individuels liés aux nouvelles dispositions du Code criminel adoptées pour lutter contre l'alcool au volant.

Le dépistage obligatoire de l'alcool, qui entrera en vigueur le 18 décembre, permettra à la police d'exiger un échantillon d'haleine de tout conducteur qu'elle aura interpellé légalement, par exemple pour une infraction au code de la sécurité routière. À l'heure actuelle, un policier peut exiger un échantillon d'haleine seulement s'il a des motifs de croire que le conducteur a trop bu.

L'alcootest en bordure de la route pourra par ailleurs justifier une enquête plus poussée, notamment des tests plus élaborés au poste de police.

La ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a admis mardi que les nouvelles dispositions seraient « vraisemblablement » contestées devant les tribunaux, mais elle se dit convaincue qu'elles sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés.

L'article 1 de la Charte prévoit que les droits et libertés qu'elle garantit « ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ».

« L'intention est de sauver des vies : c'est un objectif incroyablement justifiable », a plaidé la ministre de la Justice.

L'Association canadienne des libertés civiles s'est dite préoccupée par le fait que le dépistage obligatoire de l'alcool toucherait injustement les minorités ratissées, qui sont démesurément épinglées par la police lors de contrôles routiers. Le ministre de la Réduction du crime organisé, Bill Blair, rétorque que si une interception policière est motivée par du profilage ou un préjugé, elle sera déclarée illégale et contraire à la Charte - et par conséquent inadmissible en preuve devant les tribunaux.

Par contre, la police pourra procéder à un alcootest chez un conducteur intercepté en toute légalité pour excès de vitesse, par exemple, a précisé M. Blair. « Mais les policiers devront d'abord avoir une raison légale de vous intercepter. »

Les recherches suggèrent que près de la moitié des conducteurs qui dépassent la limite légale ne sont pas détectés aux contrôles routiers, indique le ministère de la Justice. Selon les statistiques fédérales, la conduite avec les facultés affaiblies tue en moyenne près de quatre personnes chaque jour au Canada.

Le ministre Blair, un ancien chef de police de Toronto, soutient que les gens ont fini par se rendre compte qu'ils pouvaient flouer les contrôles aléatoires, en niant qu'ils avaient bu ou en dissimulant leur haleine. Privés de soupçon raisonnable, les policiers n'ont alors plus de motif légal pour exiger un alcootest. Avec les nouvelles dispositions, la probabilité qu'une personne se fasse prendre « va augmenter de manière exponentielle », a estimé le ministre Blair.

Le dépistage obligatoire de l'alcool est actuellement en vigueur dans plus de 40 pays, dont la France, l'Australie, l'Allemagne, l'Irlande et la Suède.

La première partie de la nouvelle législation, qui touche la conduite avec les facultés affaiblies par les drogues, est entrée en vigueur plus tôt cette année, en prévision de la légalisation du cannabis à des fins récréatives. Elle autorise la police à utiliser des dispositifs de dépistage de la drogue par voie orale en bordure de la route, et crée de nouvelles infractions de conduite pour lesquelles la concentration de drogues dans le sang est interdite. Des responsables ont déclaré mardi que des accusations avaient été portées, mais qu'aucune statistique n'était encore disponible.