Une courbe très prononcée. Voici comment Paul Bernardo a décrit d'une main son « chemin vers la réhabilitation » mercredi à sa première prise de parole publique depuis son procès, en 1995, pour le meurtre sordide de deux adolescentes, véritable feuilleton de l'horreur. « Je ne vais jamais récidiver. Jamais  », a martelé Paul Bernardo devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

Mais ni ses pleurs ni ses explications n'ont convaincu les commissaires que le psychopathe et violeur en série était bel et bien réhabilité et ne représentait plus un danger pour le public après 25 ans derrière les barreaux.

Les commissaires n'ont mis que quelques minutes pour rejeter la demande de libération conditionnelle totale de Paul Bernardo au terme d'une audience de plus de trois heures mercredi après-midi au pénitencier de Millhaven, près de Kingston. Le délinquant dangereux devra ainsi patienter deux ans pour obtenir une nouvelle audience devant la Commission.

Les cheveux soigneusement ébouriffés, le visage toujours juvénile, l'homme de 54 ans a peu changé en deux décennies, même s'il a purgé l'essentiel de sa peine en isolement.

D'une voix posée, parfois étranglée par l'émotion, le « violeur de Scarborough » a répété plusieurs fois avoir commis des crimes « horribles » et « épouvantables » et même pleurer « tout le temps » dans sa cellule. Or, il n'a jamais expressément dit regretter ses gestes. Il n'a pas non plus présenté ses excuses aux familles de ses victimes, même si les mères des adolescentes Kristen French et Leslie Mahaffy se trouvaient dans la salle d'audience.

EXPLICATIONS ET REMORDS

Problèmes de langage à l'enfance, grande anxiété, faible estime de soi : le tueur en série a passé la plus grande partie de son témoignage à intellectualiser les éléments qui l'ont mené à commettre ses crimes sordides. Ses explications répétées ad nauseam ont parfois semblé exaspérer la commissaire Suzanne Poirier. « Vous l'avez dit encore et encore ! », a-t-elle lâché. La commissaire a également reproché son utilisation répétée de l'expression froidement clinique female pour décrire ses victimes adolescentes.

Ses remords et ses explications alambiquées n'ont visiblement pas convaincu les deux commissaires. « Vous semblez avoir vu la lumière extrêmement récemment », a fait valoir la commissaire Suzanne Poirier, particulièrement incisive pendant l'audience. « J'ai travaillé si fort pour plaider devant vous ! Je suis vulnérable, je me suis permis d'être comme ça ! », a lancé Paul Bernardo pour tenter de convaincre les commissaires de sa sincérité.

« Depuis 26 ans, je n'ai fait de mal à personne. Je suis si gentil avec tout le monde ! » - Paul Bernardo

Paul Bernardo a aussi évoqué avec émotion la mort de Tammy Homolka, la soeur cadette de son ex-femme Karla Homolka, étouffée dans son vomi après qu'il l'eut agressée sexuellement avec la complicité de son ex-femme. « Je n'ai pas sauvé Tammy, j'ai laissé tomber les Homolka, j'ai laissé tomber Karla », a-t-il dit. Paul Bernardo a toutefois très peu parlé de Karla Homolka pendant l'audience.

La jeune Leslie Mahaffy est tombée dans les griffes du couple sadique en juin 1991. L'adolescente de 14 ans de Burlington, en Ontario, a été enlevée, agressée sexuellement et finalement démembrée par Paul Bernardo. En avril 1992, Paul Bernardo a kidnappé Kristen French, toujours avec l'aide de son ex-femme. Il a agressé sexuellement l'adolescente de 15 ans pendant trois jours avant de l'étrangler avec un fil électrique. Des vidéos de ses sévices sexuels ont été présentées pendant le procès.

« Le plan, c'est qu'elles étaient censées retourner à la maison », a juré Paul Bernardo. Pour la première fois, le tueur a admis avoir tué les adolescentes, contrairement à son témoignage à son procès. « Mon estime de soi était abîmée [damaged]. Je me sentais inadéquat », a-t-il expliqué.

Ainsi, à l'époque, il croyait que sa détresse lui donnait le droit de faire ce qu'il voulait avec les femmes, « peu importe leur volonté », analyse-t-il. C'est ainsi qu'il a violemment agressé sexuellement une douzaine de femmes choisies au hasard. Agresser ses victimes et filmer ses sévices lui donnait ainsi une impression de « pouvoir » qui comblait sa faible estime de soi, ajoute-t-il.

« Je ne crois pas du tout à votre explication. » - Suzanne Poirier, membre de la Commission des libérations conditionnelles du Canada

« C'EST UN CAUCHEMAR »

Au début de l'audience, les mères de Kristen French et Leslie Mahaffy se sont adressées aux commissaires pour les presser de garder le bourreau de leurs filles derrière les barreaux. Des témoignages chargés en émotions qui ont toutefois laissé de marbre Paul Bernardo.

« Notre douleur est telle... c'est comme si c'était hier. C'est un cauchemar, c'est terrible », a livré Debbie Mahaffy, la voix brisée. « Leslie nous apportait tant de bonheur. Elle nous manque tous les jours. C'est impossible de décrire l'ampleur de sa perte. Ça me déchire l'âme... », a-t-elle confié.

Tant Mme Mahaffy que la mère de Kristen French, Donna French, ont cité la décision du juge Patrick LeSage, qui a déclaré Paul Bernardo délinquant dangereux : « Vous n'avez pas le moindre droit d'être un jour libéré. »