Les couteaux en céramique, qui échappent aux détecteurs de métal, causent de l’inquiétude en prison : 14 agents correctionnels de Saint-Jérôme ont menacé de quitter le travail, à la fin de janvier, parce qu’un tel objet avait été aperçu dans leur unité.

Les gestionnaires de la prison refusaient d’ordonner une fouille du secteur par une unité spécialisée sur la base d’un simple soupçon. Fait rare, c’est finalement la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) qui a ordonné l’intervention de cette escouade équipée de matériel antiémeute.

« Après analyse de la situation, nous déterminons qu’il existe un danger justifiant le refus d’exécuter leur travail », ont écrit les inspecteurs du travail dans un rapport rédigé pendant la nuit du 27 au 28 janvier dernier, obtenu par La Presse. « Par conséquent, nous ordonnons de procéder à la fouille des cellules des personnes détenues avec l’équipe carcérale d’intervention d’urgence (ÉCIU). »

PHOTO FOURNIE PAR LA CNESST

Couteau en céramique retrouvé sur un détenu de la prison de Saint-Jérôme

« Un autre couteau »

C’est après une bataille entre deux détenus qu’un premier couteau en céramique a été découvert par les agents correctionnels. « Ce serait la première fois qu’un couteau manufacturé et non une arme artisanale est trouvé », note la CNESST dans son rapport. « Les agents soupçonnent la présence d’un autre couteau », notamment sur la base du témoignage d’un détenu.

Les outils mis à la disposition des agents correctionnels ne permettent toutefois pas de détecter la présence d’un tel objet dans les effets des détenus, indique le rapport.

Les employés de la prison peuvent compter sur « un dispositif appelé CELSENS, un outil utilisé pour la détection de cellulaires et de métaux, mais seul un scanner à rayons X est capable de détecter des objets non métalliques », indique la CNESST. « Le scanner disponible à l’entrée du centre de détention […] n’est pas conçu pour scanner des personnes. »

C’est ce qui a poussé les inspecteurs du travail à ordonner le déclenchement d’une fouille générale par l’escouade équipée pour entrer physiquement dans les cellules dangereuses. « Le danger de la présence d’au moins un deuxième couteau à pointe en céramique, sinon plus, est présent et les agents de service correctionnel ne sont pas suffisamment équipés pour contrôler ce danger lors des fouilles des cellules », ont-ils tranché.

L’employeur suggérait plutôt de « fouiller les cellules de détentions en étant équipé de casque de sécurité et d’agent inflammatoire tout en mettant les détenus en sous-vêtement », mais sans tout l’attirail de l’escouade spécialisée.

« Le dossier auquel vous faites référence fait présentement l’objet d’une demande de révision administrative », a indiqué le ministère de la Sécurité publique par courriel. « Aucun commentaire ne sera donc émis en lien avec cet évènement en particulier. » L’organisation a toutefois fait valoir que « la sécurité dans les établissements de détention constitue une priorité » et que Québec avait annoncé un investissement de 35 millions sur cinq ans qui servira notamment à l’achat « de systèmes radars de détection de drones et de détecteurs à balayage corporel ».

« Aberrant »

Le président du syndicat qui représente les agents correctionnels, Mathieu Lavoie, a expliqué en entrevue ce qu’il pensait de la situation.

« Ce que je trouve aberrant, c’est qu’au fond, on est obligés de demander à la CNESST d’intervenir pour appliquer une procédure », a-t-il déploré, ajoutant que ce type de situation se multipliait dans les prisons québécoises. « Les gestionnaires ne voient pas la nécessité d’être préventifs. Peut-être qu’il n’y en avait pas, d’armes, mais au moins, on réduit les chances qu’il y ait une agression sur les agents. »

M. Lavoie dit ignorer si la fouille ordonnée par la CNESST dans ce dossier-ci a mené à la découverte d’un couteau en céramique ou d’un autre objet interdit.

Ce type de couteau que les détecteurs de métaux ne repèrent pas est problématique, a-t-il continué, ajoutant que plusieurs avaient été saisis dans les prisons du Québec.

Beaucoup d’autres armes se retrouvent aussi entre les mains des détenus, depuis l’avènement des drones. « Il y a une augmentation du nombre de substances et objets à l’intérieur des murs depuis des années, a dit Mathieu Lavoie. Ils livrent aux fenêtres maintenant. On est des précurseurs d’Amazon actuellement sur le plan des livraisons par drone. »