« Ç’a été long. »

Il aura fallu 40 ans à des jeunes filles du primaire qui ont été victimes d’attouchements à l’école pour finalement obtenir réparation. L’ex-enseignant d’éducation physique Gilles Robineau a été reconnu coupable, lundi matin au palais de justice de Saint-Hyacinthe, d’attouchements sur sept élèves.

« Je suis très soulagée », a déclaré l’une des victimes, que nous ne pouvons identifier en raison d’une ordonnance de la cour.

Pendant le procès, les victimes ont témoigné qu’à partir du moment où elles avaient 8, 9 ou 10 ans, l’enseignant aujourd’hui âgé de 72 ans avait profité des cours d’éducation physique, du milieu des années 1970 jusqu’au début des années 1980, pour les toucher sur la poitrine ou aux parties génitales.

Les victimes étaient présentes lundi matin au palais de justice de Saint-Hyacinthe et se sont enlacées quand le juge Christian Jarry a déclaré dans son verdict que pour sept plaignantes sur neuf, il est « convaincu hors de tout doute de [la] culpabilité » de Gilles Robineau. L’homme a été remis en liberté en attendant le prononcé de sa sentence.

La crédibilité de l’ex-enseignant attaquée

C’est en 2017 que les premières plaintes ont été déposées. Le « fil conducteur », écrit le juge Jarry dans son rapport : « des filles prépubères incommodées par les mains du professeur ». Gilles Robineau prétendait qu’il s’agissait de gestes « accidentels », ce que le juge n’a pas cru.

Dans son jugement, Christian Jarry s’attaque à la crédibilité de l’ex-enseignant. « En somme, la combinaison de certaines réponses invraisemblables […] et du contraste dans le comportement de l’accusé entre l’interrogatoire et le contre-interrogatoire lui fait perdre toute crédibilité », écrit-il.

Le procès a révélé qu’à l’époque, le directeur de l’école primaire Saint-Thomas-d’Aquin avait reçu les témoignages de deux élèves qui se disaient victimes des attouchements de leur enseignant. Gilles Robineau avait alors reconnu les faits et accepté de rencontrer un psychologue de la commission scolaire et de présenter ses excuses aux jeunes filles.

« Il conserve son poste d’enseignant et aucune mesure, disciplinaire ou autre, n’est prise contre lui », lit-on dans le jugement.

« On était trop jeunes pour dire que c’était correct de pardonner… à 9 ans, tu ne comprends pas l’ampleur », a déclaré une des victimes qui avait à l’époque dénoncé la situation.

« C’est très, très difficile »

Ces femmes ont toutes dans la cinquantaine aujourd’hui et ont accepté de parler de ce qu’elles ont vécu avec La Presse, après la lecture du jugement.

Si elles ont été soutenues par le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) pendant les procédures judiciaires, les femmes ont néanmoins fait état d’un parcours qui n’a rien eu de facile.

« Ç’a été long. J’ai 50 ans, je vais bien, mais je pense aux adolescentes ou aux jeunes adultes qui ont vécu la même chose. Je me dis que le système est quand même un peu rough pour les gens qui vivent une situation comme la nôtre », a témoigné l’une d’elles.

« Ma vie avant de dénoncer était plus légère qu’après 2018. C’est très, très difficile », a-t-elle ajouté.

Certaines des plaignantes ont confié qu’elles n’avaient jamais parlé des gestes posés par Gilles Robineau avant d’aller porter plainte à la police il y a quelques années.

« Ce n’est pas quelque chose dont on est fières. On est victimes… », a déclaré une de ces femmes.

« J’étais tellement maigre, pas de seins, je me disais que je ne pouvais pas aller dire qu’il m’avait pogné un sein. C’est ça, dans la tête d’un enfant. Mais j’ai senti le malaise, et c’est ce dont j’ai témoigné [en cour] », a ajouté une autre.

La procureure de la Couronne a estimé que l’enseignant d’éducation physique incarnait un « pilier de confiance » à l’école.

« Les parents qui envoient leurs enfants [à l’école] les mettent entre les mains d’adultes qu’ils ne connaissent pas, qu’ils ne choisissent pas », a déclaré Me Marie-Claude Morin.

« Quand un individu comme M. Robineau entre dans le système scolaire primaire, où on a la sphère la plus vulnérable de nos sociétés, et s’adonne à des gestes comme il l’a fait à plusieurs reprises sur plusieurs années, avec une impunité, il met en péril tout le bon fonctionnement du système scolaire et la confiance que chaque parent devrait avoir quand il amène son enfant à l’école », a poursuivi Me Morin.