La Cour d’appel du Québec a confirmé une décision d’un tribunal inférieur, selon laquelle la famille d’un Montréalais qui a été tué par la police a subi un préjudice lorsque le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) a publié un communiqué de presse subjectif.

La famille de Koray Kevin Celik a poursuivi l’organisme chargé de surveiller le travail des corps policiers de la province en plaidant que son communiqué de presse portait atteinte à son honneur et à sa dignité, ce qui lui avait causé une détresse psychologique.

Un juge de première instance a tranché en faveur de la famille en 2021 et a accordé 30 000 $ en dommages-intérêts aux parents et aux frères de M. Celik.

Le gouvernement provincial a fait appel de cette décision, arguant que le BEI, qui enquête chaque fois qu’une personne autre qu’un policier en service est tuée ou grièvement blessée au cours d’une opération policière, n’avait rien fait de mal.

Et même si cela avait été le cas, ces fautes n’auraient pas causé de préjudice à la famille, a fait valoir le gouvernement.

La Cour d’appel a cependant rejeté ces deux arguments.

« En l’espèce, le juge pouvait raisonnablement conclure que le BEI a commis une faute en publiant un communiqué qui dénote un manque d’impartialité », a écrit le juge Simon Ruel dans sa décision rendue le 18 décembre, endossée par les deux autres juges qui se penchaient sur la cause.

Apparence de parti pris

Selon le juge Ruel, publier un communiqué de presse pour présenter certains faits en ne retenant que la version policière des évènements donnait une apparence de parti pris.

Également, le juge de première instance a conclu « à l’existence d’un lien de causalité entre la publication du communiqué et l’atteinte à l’honneur, à la détresse psychologique, à l’anxiété, à la perte de jouissance de la vie et à l’humiliation ressentie par les intimés ».

Le juge Ruel a trouvé certaines erreurs dans la décision du juge de première instance, mais il a soutenu qu’aucune d’entre elles n’était suffisamment grave pour justifier une modification de la décision.

M. Celik, qui était âgé de 28 ans, est mort après que ses parents eurent appelé la police au domicile familial, dans l’ouest de Montréal, en mars 2017.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Cesur Celik, le père de Koray Kevin Celik

Les parents voulaient alors empêcher leur fils de sortir pour conduire pendant qu’il était en état d’ébriété.

Dans son communiqué de presse relatant ce qui s’est passé par la suite, le BEI a allégué que M. Celik s’est montré agressif après l’arrivée de la police. Il aurait refusé de suivre les ordres et aurait continué de résister lorsque trois policiers l’ont plaqué au sol.

C’est par la suite que les policiers se sont aperçus que M. Celik était inconscient.

Ses parents ont plutôt affirmé que lorsque la police est arrivée à la maison, une dispute a commencé après que M. Celik a crié à un policier d’éteindre sa lampe de poche.

Les parents ont soutenu que le policier avait ensuite frappé leur fils avec la lampe de poche, puis avec une matraque, avant que trois autres agents ne le plaquent au sol et ne le rouent de coups.

Selon la version des parents, M. Celik a cessé de respirer lorsque les policiers ont utilisé un pistolet électrique, même si leur fils était déjà immobilisé au sol.

Une enquête du coroner a été menée sur cet évènement. Le coroner Luc Malouin a conclu que la police avait fait un usage inutile de la force, mais a noté qu’aucune trace d’utilisation d’un pistolet électrique n’a été trouvée.

Un pathologiste a attribué la mort de M. Celik à une « intoxication/réaction adverse à un mélange d’alcool, de médicaments et de drogues d’abus dans le cadre d’un syndrome du délirium agité ».

Plusieurs groupes médicaux, dont l’American Medical Association, ont rejeté l’existence du « délirium agité ». L’année dernière, le service du coroner de la Colombie-Britannique a déclaré qu’il ne reconnaissait plus le « délirium agité » comme cause de décès.

Aucun policier n’a été inculpé en lien avec la mort de M. Celik.