Portrait des enquêtes de la Sûreté du Québec sur des homicides en 2023

Un enfant qui tue son parent, un père qui tue ses enfants, une femme qui assassine sa sœur, un homme qui abat sa conjointe : les meurtres intrafamiliaux ont marqué 2023 pour les enquêteurs des Crimes contre la personne de la Sûreté du Québec, qui ont encore été très occupés cette année.

La Presse a rencontré récemment les patrons du service de la région Ouest, le lieutenant Jessie Houle et le sergent Mathieu Boulianne, pour dresser le bilan de l’année.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le lieutenant Jessie Houle, patron des Crimes contre la personne de la région Ouest de la Sûreté du Québec, et son adjoint, le sergent Mathieu Boulianne

En date du 20 décembre dernier, 48 dossiers de meurtres avaient été ouverts sur tout le territoire couvert par les enquêteurs de la SQ. C’est un peu moins que les 54 de l’an dernier, mais sensiblement plus que la moyenne des quatre années précédentes (de 2018 à 2021), qui s’établit à 41.

Les victimes (53 pour 48 évènements)

  • Hommes : 30
  • Femmes : 15
  • Mineurs : 8

Sur ces 48 dossiers, 18 ont été des meurtres intrafamiliaux, soit plus du tiers.

Pour la SQ, un féminicide est le meurtre d’une femme par son conjoint dans un contexte conjugal. Il y en a eu moins cette année : six comparativement à neuf en 2022 et 2021. Trois de ces féminicides sont survenus dans le nord du Québec.

En revanche, on a dénombré sept dossiers de meurtre au sein d’une famille et quatre dossiers de meurtre d’enfants par leurs parents.

Parmi ces dossiers de meurtre d’enfants par leurs parents qui ont fait en tout 9 morts, enfants et adolescents confondus, rappelons la tragédie survenue le 15 mars à Saint-Frédéric, en Beauce, où un homme au volant d’une fourgonnette avec sa famille à bord a délibérément foncé sur un camion, tuant deux de ses enfants, âgés de 4 et 13 ans.

Contexte des crimes

  • Intrafamilial ou conjugal : 18
  • Conflit : 12
  • Règlement de comptes / crime organisé : 6
  • Sexuel / gratuit : 2
  • Autre ou indéterminé : 10

Soulignons également le cas de ce père qui a tué ses jumeaux de 3 ans le 26 août à Notre-Dame-des-Prairies, dans Lanaudière, et ce garçon de 3 ans mort après avoir reçu un projectile d’arme à feu tiré par un membre de sa famille le 6 novembre à Bois-des-Filion.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Policiers postés sur le lieu où un garçon de 3 ans est mort, à Bois-des-Filion

« Notre mission première, c’est de travailler pour les familles et de faire en sorte qu’elles soient en mesure de vivre leur deuil. Je sais que cela a l’air d’un cliché, mais c’est pour ça qu’on est là et c’est ce que l’on veut », dit le lieutenant Houle.

Les déplacements de Woolley épiés

Les meurtres commis avec une arme à feu ont été moins nombreux cette année : 13 comparativement à 18 l’an dernier, une baisse de 27 %.

Moyen utilisé

  • Arme blanche : 15
  • Arme à feu : 13
  • Force physique : 9
  • Véhicule : 3
  • Objet contondant : 1
  • Feu : 1

En date du 20 décembre, six de ces 13 dossiers étaient liés au crime organisé, comparativement à 10 en 2022.

Parmi ces six meurtres, soulignons ceux de Tinel Timu, homme d’affaires et promoteur immobilier tué à Laval le 20 avril, et du chef de gang Gregory Woolley, abattu dans le stationnement d’un CLSC de Saint-Jean-sur-Richelieu le 17 novembre.

Woolley était considéré par la police comme un acteur majeur du crime organisé montréalais et comme le bras armé du clan sicilien de la mafia.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Gregory Woolley, interpellé par une policière de la Sûreté du Québec en mai 2022

Il semble qu’une balise GPS ait été placée sous son VUS de marque Lamborghini par ses meurtriers, façon de faire souvent employée par les tueurs à gages du crime organisé.

Le véhicule de marque Land Rover utilisé par le tueur et abandonné en flammes dans le sud-ouest de Montréal avait été déclaré volé, selon nos informations.

Les enquêteurs ne privilégient pas encore d’hypothèse pour expliquer ce crime, mais ne ménagent pas leurs efforts pour arrêter les coupables.

Dans un dossier comme celui de Woolley, on est très actifs. On sait que cela a de l’importance en raison de la situation actuelle dans la région métropolitaine ou à Québec, où Michel Guérin a été tué. Nous sommes en communication avec la police de Québec et avec plusieurs autres corps de police.

Le lieutenant Jessie Houle

« Ce sont des crimes qui sont commis devant des gens, que ce soit dans le stationnement d’un CLSC ou dans un quartier résidentiel paisible. On n’est pas à l’abri d’une balle perdue tirée par un suspect qui rate son coup et qui tue le voisin qui déneigeait son entrée. C’est toujours une préoccupation pour nous », renchérit le sergent Mathieu Boulianne.

Taux de résolution

  • Dossiers résolus : 36
  • Dossiers non résolus : 12
  • Taux de succès : 75 %

« Avec le phénomène de violences armées qui existe en ce moment, on met de la pression sur nos joueurs. Je me dis que si on les arrête et qu’on les envoie en prison pour au moins 25 ans, ce seront 25 ans au cours desquels ils ne seront pas dangereux pour la société », ajoute son supérieur, Jessie Houle.

Un évènement marquant

Les deux policiers affirment que pour les enquêteurs, chaque dossier est important. En revanche, certains ont été plus marquants cette année, notamment les meurtres de trois personnes fauchées par un homme au volant d’un camion-bélier, à Amqui, dans le Bas-Saint-Laurent, le 13 mars.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

C’est la Sûreté du Québec qui a mené l’enquête après qu’un homme au volant d’un camion-bélier a tué trois personnes, à Amqui.

« C’était une scène qui était immense, longue d’un kilomètre. On a mis au moins une trentaine d’enquêteurs sur le dossier et on est restés sur place environ une semaine. On a également dû gérer tout l’impact sur la population. Ce n’est pas le genre d’évènement qui survient souvent. Plusieurs victimes [il y a eu aussi des blessés] dans une petite communauté. Les mesures d’atténuation ont été aussi importantes que l’enquête elle-même », décrit le lieutenant Houle.

« Dans la région de Montréal, les gens s’attendent peut-être davantage à vivre des évènements comme celui-là, alors que là-bas, il y a eu un gros impact. Le député était sur place. Les gens nous disaient qu’ils n’auraient jamais pensé que cela pouvait arriver chez eux », ajoute Mathieu Boulianne.

Un phénomène en hausse

L’année a également été marquée par plusieurs opérations Filet ; c’est ainsi qu’on appelle les interventions auprès d’un individu barricadé et armé, qui constitue une menace pour autrui ou pour lui-même.

Au 20 décembre, les enquêteurs des Crimes contre la personne étaient intervenus dans 22 opérations Filet, et dans deux cas, ils ont essuyé, sans être atteints, des projectiles d’arme à feu tirés par des individus à Richmond et à Cacouna, et même un carreau d’arbalète à une autre occasion, à Saguenay.

À la même date, la SQ était intervenue dans 101 veilles Filet – situations désamorcées avant que l’intervention du Groupe tactique d’intervention soit nécessaire – comparativement à 67 pour toute l’année dernière.

« Et le mois de décembre n’est pas terminé. C’est une bonne augmentation par rapport à l’an dernier. On croyait que le nombre avait augmenté ces dernières années en raison de la pandémie de COVID-19, mais ce n’est pas ça, et ça continue. Plus de 100 veilles, cela fait beaucoup d’évènements qui sont souvent sérieux », conclut le lieutenant Houle.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.