La Couronne n’a pas fait la preuve que c’est bien Ali Ngarukiye qui a attaqué le policier Sanjay Vig et lui a tiré dessus en pleine rue en janvier 2021. Aucun témoin n’a même été capable de l’identifier. C’est ce que la défense a fait valoir au jury mercredi lors de ses plaidoiries finales.
« Demandez-vous si l’ensemble de la preuve mène à la culpabilité hors de tout doute raisonnable [d’Ali Ngarukiye] ? », a répété l’avocate de la défense Me Sharon Sandiford.
Ali Ngarukiye, 24 ans, est accusé d’avoir tenté de tuer l’agent Sanjay Vig du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), alors qu’il patrouillait en solo sur le boulevard Crémazie, à Montréal, le 28 janvier 2021. L’agent Vig s’est fait frapper par-derrière par un assaillant, alors qu’il venait d’intercepter l’automobiliste Mamadi Camara – accusé à tort, puis innocenté.
Selon la Couronne, la preuve démontre qu’Ali Ngarukiye a volé deux voitures, trois jours avant l’attaque, puis a utilisé l’une d’entre elles pour se stationner près de l’intersection où se trouvait l’agent Vig. Il a alors attendu le « moment parfait » pour attaquer le policier avec une barre de fer. Ali Ngarukiye a ensuite volé l’arme du policier et lui a tiré dessus à deux reprises. L’une des balles lui a frôlé la tête et est passée à travers son manteau.
La défense a répété qu’aucun témoin n’avait clairement identifié Ali Ngarukiye comme étant l’assaillant. Un témoin n’était même pas capable d’identifier la race des personnes impliquées dans l’altercation, alors qu’un autre n’a pas vu leurs visages, a fait valoir Me Sandiford.
Aussi, puisque l’agent Vig avait la vision floue et du sang dans le visage pendant l’agression, a-t-il été capable de « bien voir » son assaillant ?, s’est questionné Me Sandiford. D’autre part, les vols de voiture perpétrés trois jours plus tôt n’ont « absolument » rien à voir avec l’agression, a plaidé la défense.
Également, la défense suggère au jury de se questionner sur la crédibilité et la fiabilité de Mamadi Camara. Au procès, ce dernier a dit avoir vu le policier se battre avec son assaillant. Il a décrit l’agresseur comme étant plus grand et plus costaud que lui. Or, selon Me Sandiford, la preuve démontre que les deux hommes ont une stature très similaire.
Il voulait « tuer des policiers »
L’intention d’Ali Ngarukiye était claire pour la Couronne : « Il était là pour tuer un policier », a plaidé mercredi matin la procureure Me Jasmine Guillaume à sa troisième journée de plaidoiries. Ali Ngarukiye avait même un mobile : il avait dit quelques mois plus tôt à un imam vouloir « tuer des policiers ». À ses yeux, le Canada était un pays de « non croyants ».
« C’est le mobile derrière l’attaque de l’agent Vig », a souligné Me Guillaume.
Or, selon la défense, l’imam en question, Hassan Habib, avait une dent contre Ali Ngarukiye depuis que la sœur de l’accusé avait refusé de le marier. L’imam avait alors envoyé un courriel extrêmement haineux à la mère de l’accusé. Même si l’imam a continué de côtoyer Ali Ngarukiye après cet incident, ça ne signifie pas qu’il ne voulait plus se « venger », a plaidé Me Sandiford.
Après l’agression sur l’agent Vig, Ali Ngarukiye s’est caché pendant deux jours dans la mosquée de l’imam Habib à Toronto, selon la Couronne. Il s’y est rendu avec l’une des deux voitures volées à Montréal. L’ADN de l’agent Vig a été retrouvé dans ce véhicule. Également, l’ADN de Ngarukiye s’est retrouvé sur des lunettes abandonnées sur la scène de crime.
Me Sandiford terminera jeudi sa plaidoirie. Elle entend évoquer la question de l’ADN et du profilage raciale en conclusion.