Le policier montréalais Sanjay Vig a intercepté l’automobiliste Mamadi Camara en raison de sa race en janvier 2021 : la défense a insisté sur cette thèse du « profilage racial » jeudi pour s’attaquer à la crédibilité de l’agent Vig. Selon la défense, Ali Ngarukiye n’a jamais attaqué le policier. Son sort sera bientôt entre les mains du jury.

« Pourquoi l’agent Vig vérifie-t-il la plaque d’immatriculation de M. Camara ? […] Cette question, combinée à d’autres faits, pourrait vous permettre d’inférer à du profilage racial. Pourquoi M. Camara, un homme noir, est-il intercepté ? », s’est interrogé MSharon Sandiford jeudi matin au palais de justice de Montréal.

Ali Ngarukiye est accusé d’avoir tenté de tuer l’agent Sanjay Vig du Service de police de la Ville de Montréal, le 28 janvier 2021. Selon la Couronne, l’homme de 24 ans aurait profité du fait que l’agent Vig était en train de donner une contravention à Mamadi Camara pour le frapper par-derrière avec une barre de métal. Il aurait ensuite volé l’arme de service du policier, puis lui aurait tiré dessus à deux reprises, sans le toucher.

Le débat peut sembler périphérique, mais l’interception de Mamadi Camara pour cellulaire au volant est au cœur du procès. L’agent Vig et M. Camara, deux témoins de la Couronne, ont en effet livré des témoignages contradictoires sur de nombreux aspects. D’abord, M. Camara nie avoir utilisé son cellulaire, tandis que l’agent Vig jure l’avoir vu en train de l’utiliser.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le policier Sanjay Vig au palais de justice de Montréal

Pour la défense, la preuve est claire : il n’y avait aucune activité cellulaire au moment précis de l’interception, même si Mamadi Camara a utilisé son appareil sur l’autoroute quelques minutes plus tôt. C’est pourquoi MSandiford demande au jury de déduire à du profilage racial.

« Pourquoi l’agent Vig intercepte-t-il M. Camara ? », a répété au jury MSandiford.

Également, l’agent Vig a dépeint Mamadi Camara comme un homme furieux qui avait des « couteaux dans les yeux » lors de l’interception. Une description niée par Mamadi Camara. Encore une fois, ces « descriptions contradictoires » pourrait permettre d’inférer à du profilage racial, selon la défense.

Une thèse contredite par la Couronne. « Il n’y a pas de traces de profilage racial. [L’agent Vig] n’a pas traité M. Camara différemment en raison de sa race », a martelé MJasmine Guillaume, qui fait équipe avec MLouis Bouthillier.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

MSharon Sandiford, avocate de la défense

Qui a attaqué l’agent Vig ?

Selon la défense, la Couronne n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable qu’Ali Ngarukiye a attaqué le policier Vig ce jour-là. Les vidéos de surveillance – de très mauvaise qualité – montrent des silhouettes de très loin. « Ce que vous voyez est quelqu’un qui attaque l’agent Vig, mais qui n’est pas Ali Ngarukiye », a plaidé MSandiford.

Si Ali Ngarukiye n’a pas attaqué le policier, qui l’a fait ? La défense ne s’est pas avancée sur cette question.

PHOTO TIRÉE D’UNE VIDÉO DÉPOSÉE EN PREUVE

C’est à partir de cette vidéo de surveillance de mauvaise qualité que le jury doit repérer de minuscules silhouettes en train de se battre.

Les lunettes d’Ali Ngarukiye – selon la Couronne – ont été retrouvées sur la scène de crime. Selon la défense, les lunettes ne donnent pas l’impression d’être tombé pendant « un combat ». De plus, aucun témoin visuel de l’altercation n’identifie clairement Ali Ngarukiye comme l’assaillant, estime la défense.

Selon la thèse de la Couronne, Ali Ngarukiye avait préparé son plan. Il avait ainsi volé deux voitures – une Hyundai et une Honda CRV – trois jours avant l’attaque. Il a ensuite utilisé l’un des véhicules pour se stationner à côté de l’intersection de l’agent Vig. Il a ensuite utilisé l’autre véhicule pour s’enfuir à Toronto.

Or, la preuve ne permet pas de prouver qu’Ali Ngarukiye a volé ces deux véhicules, plaide la défense. Pour ce faire, l’accusé devait conduire deux voitures en même temps, explique la défense, puisqu’il était au volant d’une Chevrolet, alors que la Hyundai était sur la route.

« Vous pouvez inférer qu’il y avait plusieurs chauffeurs », a affirmé MSandiford.

Pour la Couronne, Ali Ngarukiye « était là pour tuer un policier ». L’accusé avait même un mobile : il avait dit quelques mois plus tôt à un imam vouloir « tuer des policiers » et que le Canada était un pays de « non croyants ». « C’est le mobile derrière l’attaque de l’agent Vig », a plaidé MGuillaume.

Or, selon la défense, l’imam en question, Hassan Habib, avait une dent contre Ali Ngarukiye depuis que la sœur de l’accusé avait refusé de le marier. Quelques heures après l’attaque, l’accusé s’est retrouvé à la mosquée de l’imam Habib à Toronto, selon la Couronne.

Le juge François Dadour a amorcé ses directives finales jeudi. Les jurés amorceront ensuite leurs délibérations.