Katy* arrive après minuit. Elle pensait aller à une fête, mais se retrouve dans une fosse aux lions. Trois hommes la violent dans un spa extérieur. La jeune femme est couverte d’ecchymoses. Ses trois agresseurs ont été reconnus coupables au terme d’un interminable processus judiciaire de six ans et demi.

Guyllaume Thibault, camionneur de 30 ans de Saint-Hyacinthe, Pierre-Luc Gosselin, 31 ans, de Saint-Damase, et Vincent Jodoin Rodier, 32 ans, de Saint-Pie, ont été déclarés coupables, le 30 octobre dernier, au palais de justice de Saint-Hyacinthe, d’agression sexuelle de groupe et d’agression sexuelle causant des blessures. Notons qu’ils ont fait appel du jugement.

Avant d’en arriver à ce verdict, les trois hommes ont fait traîner le processus judiciaire en multipliant les reports pendant des années, notamment dans l’espoir d’interroger la victime sur ses activités sexuelles antérieures. Leur requête Jordan en délais déraisonnables a toutefois été rejetée à l’été 2021. En principe, un tel dossier devrait se clore en deux ans et demi.

Une fête cauchemardesque

Novembre 2016. Katy connaît un peu Guyllaume Thibault, mais sans plus. Un soir, l’homme l’invite à une fête chez un ami à Saint-Pie, en Montérégie. Il insiste pour qu’elle vienne et l’informe qu’il y a un spa extérieur (bain à remous). « On a juste une vie à vivre… On s’est déjà vus, je suis pas un tueur voyons », lui écrit Thibault.

Vers minuit, Katy décide de s’y rendre. Sur place, il y a six jeunes hommes, dont les trois accusés. Elle ne connaît personne, sauf Thibault. L’alcool a déjà coulé à flots. Katy boit plusieurs bières en moins de deux heures. Elle embrasse Thibault une première fois, mais refuse de le suivre dans la salle de bain, à sa demande.

La juge Louise Leduc est ferme : Katy n’a pas « pris le risque » d’être agressée en se présentant à la fête. Croire le contraire est un « stéréotype » et une « idée archaïque ».

Il y a qu’à penser que ce préjugé ne viendrait pas à l’esprit si [Katy] était un jeune homme.

La juge Louise Leduc

Katy se fait offrir du vin à la pêche. Quand elle revient de la toilette, la boisson est plus forte et n’a pas le même goût. La couleur a même changé. L’alcool la frappe davantage. Vers 3 h, les accusés vont dans le spa et insistent pour qu’elle les accompagne. Ils ne sont pas « méchants », disent-ils.

Un enregistrement audio pris par Katy sur son téléphone montre l’insistance des hommes et son refus répété d’aller dans le spa. Elle multiplie alors les prétextes pour éviter de se baigner devant « six gars à moitié chauds ». À la fin de l’extrait, quelqu’un lâche : « Tu as vu la graine de [inintelligible] à soir. »

Sous pression, Katy entre dans le spa. Elle boit une gorgée d’une bouteille d’alcool qui circule. Elle se sent nauséeuse et étouffée. Thibault l’enlace et l’embrasse avec son accord. Puis, le cauchemar. Katy sent des bras lui soulever les fesses et l’agripper violemment. Elle pleure.

« On touche ses parties génitales et elle est prise par le cou, par le visage, les jambes, les cuisses et les hanches. […] Elle se sent étranglée, serrée. Elle reçoit des “claques”. Elle est pincée. Mordue », résume la juge.

Couverte de bleus

« Ça achève », lance l’un des hommes. Puis ses trois agresseurs sont debout, devant elle, déterminés à poursuivre le supplice. Katy est en état de choc, mais distingue leurs visages.

Quand l’agression se termine, Thibault lui dit de mettre « un sourire sur son visage », alors qu’elle est couverte de bleus.

Katy se rhabille et se précipite dans sa voiture. Soudain, Pierre-Luc Gosselin s’installe du côté passager et lui demande de la reconduire. En route, il tente de l’embrasser. Elle retourne sur les lieux et le fait descendre de la voiture. Katy porte plainte aux policiers : elle a des ecchymoses sur les seins et entre les jambes et de gros bleus noircis sur les fesses.

La juge a complètement rejeté la version « qui semble inventée » de Guyllaume Thibault, le seul du groupe qui a témoigné en défense. L’homme a tenté de faire croire que seul son coaccusé Pierre-Luc Gosselin avait embrassé Katy dans le spa et qu’il les avait laissés tranquilles. « On ne fesse pas une femme », a témoigné Thibault.

Selon Thibault, les trois hommes n’ont pas reparlé de l’agression dans le stationnement du poste de police après avoir été rencontrés par les enquêteurs. Une version « inconcevable », selon la juge.

Il y a des limites à la discrétion. Le sens commun ne peut soutenir que des hommes se sachant suspectés d’agression sexuelle se revoient et ne se questionnent pas relativement à l’évènement.

La juge Louise Leduc

Katy, pour sa part, a livré un témoignage « franc, sincère, exempt d’intérêt et crédible », selon la juge.

Les observations sur la peine auront lieu l’hiver prochain.

MMarie-Claude Morin a représenté le ministère public, alors que MChloé Surprenant, MAnnie Émond, MFrançois Lafrenière et MAlexandre Caissie ont défendu les délinquants.

* Prénom fictif pour protéger son identité