Mamadi Camara a utilisé son cellulaire en conduisant sur l’autoroute quelques minutes avant d’être intercepté par un policier, puis soupçonné à tort d’avoir tenté de le tuer et arrêté. C’est ce que le témoin clé a avoué au jury, du bout des lèvres, jeudi, dans un témoignage évasif à son retour à la barre au procès d’Ali Ngarukiye.

Depuis deux mois, au palais de justice de Montréal, les témoins se succèdent au procès d’Ali Ngarukiye, un homme de 24 ans accusé d’avoir tenté de tuer le policier Sanjay Vig, le 28 janvier 2021. L’affaire avait fait grand bruit, puisque l’homme qui avait alerté le 911, Mamadi Camara, avait été accusé à tort du crime.

Début septembre, Mamadi Camara a raconté au jury avoir été intercepté par l’agent Sanjay Vig, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), pour avoir utilisé son cellulaire au volant – ce qu’il nie avoir fait. Il a alors relaté au jury avoir vu un homme frapper le policier, alors qu’il attendait de recevoir son constat d’infraction dans sa voiture.

Deux mois plus tard, Mamadi Camara a été rappelé à la barre jeudi – une situation inusitée. Son témoignage a porté exclusivement sur l’utilisation de son cellulaire le jour fatidique.

Même si ces questions semblent n’avoir aucun lien avec la violente agression subie par le policier, elles sont pertinentes pour établir la crédibilité de Mamadi Camara. D’autant que ce dernier n’a pas présenté au jury la même version des évènements que l’agent Sanjay Vig.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le policier du SPVM Sanjay Vig

Mamadi Camara a d’abord expliqué avoir envoyé deux brefs messages textes – un numéro de téléphone et les mots « mon frère » – alors qu’il attendait de recevoir le constat d’infraction.

Or, la preuve téléphonique démontre le contraire. En effet, les deux messages ont été envoyés environ six minutes avant qu’il soit intercepté par l’agent Sanjay Vig sur le boulevard Crémazie. Il roulait alors sur l’autoroute Décarie, de retour de l’aéroport. En chemin, Camara a également recherché « EPL » sur l’internet afin de consulter le classement de l’English Premier League (EPL).

Placé devant cette preuve, Mamadi Camara s’est montré particulièrement évasif, se contentant de répondre vaguement « C’est possible » ou « Je ne me rappelle pas » aux questions du procureur MLouis Bouthillier. « Je ne peux pas dire que je l’ai fait, mais c’est possible », a dit le témoin.

En contre-interrogatoire, Mamadi Camara a fini par se rappeler avoir utilisé son téléphone au volant quelques minutes avant l’interception.

Il a toutefois concédé avoir uniquement tapé sur l’écran de l’appareil, placé sur le siège passager, sans jamais prendre le téléphone dans ses mains. Un scénario qui a été fortement suggéré par l’avocate de la défense, MSharon Sandiford.

Mamadi Camara utilisait-il son cellulaire lorsque l’agent Sanjay Vig l’a aperçu ? Cette question n’a pas été abordée jeudi. Au début du procès, Mamadi Camara a déclaré ne pas se « souvenir » d’avoir utilisé son téléphone. Le témoin a aussi maintenu n’avoir jamais levé le ton à l’égard du policier. À l’inverse, l’agent Sanjay Vig a décrit Mamadi Camara au jury comme un homme furieux qui avait des « couteaux dans les yeux ».

Selon la preuve de la Couronne, Ali Ngarukiye aurait prémédité son attaque sur l’agent Sanjay Vig en janvier 2021. Il aurait tout planifié quelques jours avant le crime en volant deux voitures. Après les faits, Ngarukiye se serait caché en Ontario, notamment dans une mosquée.

Le procès se poursuit vendredi devant le juge François Dadour.