(Québec) Un comité indépendant recommande d’augmenter le salaire des procureurs de la Couronne de 17 % en quatre ans, une hausse deux fois plus importante que celle offerte par le gouvernement Legault aux autres employés de l’État.

Ce qu’il faut savoir

• Depuis 2011, un comité indépendant fait des recommandations pour fixer la rémunération des procureurs.

• Le syndicat des procureurs réclamait des hausses de plus de 40 % en quatre ans ; le gouvernement proposait 7,5 %.

• Le comité recommande 17 % sur la même période.

Le comité explique notamment que « les procureurs au Québec accusent un retard de rémunération négatif » par rapport à ceux du reste du Canada et que cet écart « s’accentue ».

Son analyse tient compte de la conjoncture économique tout comme de l’état des finances publiques afin de considérer la proverbiale capacité de payer du gouvernement.

Déposé à l’Assemblée nationale cette semaine, le rapport unanime du comité fera jaser dans le contexte des négociations avec les syndicats des secteurs public et parapublic. D’autant que le gouvernement a nommé par décret les trois membres du comité, d’un commun accord avec l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales, comme le prévoit une loi adoptée en 2011.

Québec a déjà affaibli sa position en augmentant de 30 % le salaire des députés au printemps. Il s’est retrouvé dans l’embarras avec l’entente de principe prévoyant des hausses de 21 % en cinq ans à la Sûreté du Québec, une entente rejetée et jugée insuffisante par les policiers.

À la suite d’un important conflit de travail en 2011, les procureurs de la Couronne ont perdu le droit de faire la grève en échange de la création d’un processus de fixation de leur rémunération semblable à celui des juges. Un comité indépendant est désormais formé pour faire des recommandations au gouvernement, qui n’est pas obligé de les suivre.

En 2015, le gouvernement Couillard avait appliqué les recommandations du comité Bouchard – 10 % d’augmentation en quatre ans. En 2020, le gouvernement Legault avait retenu l’avis dissident de l’un des trois membres du comité Lemay pour fixer les hausses salariales à 10 % en quatre ans ; le rapport majoritaire recommandait une augmentation deux fois plus élevée.

Le rapport est unanime cette fois. Le comité est composé de MJoëlle L’Heureux, à titre de présidente, de MYves Morin, avocat chez Roy Bélanger Avocats, et de Gilles Paquin, ex-haut fonctionnaire aux Finances et au Trésor et ancien secrétaire général du gouvernement.

Comme le prévoit la loi, le comité a analysé les positions de l’Association et du gouvernement selon différents facteurs, comme la charge de travail des procureurs, la nécessité d’attirer des avocats, la situation économique du Québec et la rémunération des autres salariés de l’État.

Devant le comité, l’association des procureurs a plaidé pour des augmentations totalisant plus de 40 % en quatre ans, invoquant l’importance d’un rattrapage salarial. Le gouvernement proposait 7,5 % en quatre ans, ce qui est comparable à l’offre de 9 % en cinq ans pour les autres employés de l’État.

Demande des procureurs

• 2023-2024 : 31,1 %

• 2024-2025 : 2,7 % + indice du coût de la vie

• 2025-2026 : 2,7 % + indice du coût de la vie

• 2026-2027 : 2,6 % + indice du coût de la vie

Proposition du gouvernement

• 2023-2024 : 3 %

• 2024-2025 : 1,5 %

• 2025-2026 : 1,5 %

• 2026-2027 : 1,5 %

Un débat oppose depuis longtemps le gouvernement et l’Association quant à la façon de comparer la rémunération des procureurs du Québec à celle de leurs collègues du reste du Canada.

Le comité retient qu’« il ressort des différentes méthodes de comparaison que les procureurs au Québec accusent un écart de rémunération négatif entre 4,8 % et 15,4 % » ou « entre 7,9 % et 19,5 % ». Chaque méthode comporte des « biais », si bien que le comité considère qu’il s’agit surtout ici « d’un indice, d’une direction ».

Le comité souligne également que « les procureurs assument de plus en plus de responsabilités avec de nouveaux mandats confiés au DPCP » (Directeur des poursuites criminelles et pénales). Il y a aussi « une augmentation de la complexité et de la durée des dossiers ».

Par ailleurs, « le comité constate la rémunération avantageuse des procureurs comparativement à une bonne partie des autres salariés de l’État ». Toutefois, grâce à de récentes augmentations, les avocats de l’aide juridique touchent un salaire comparable à celui des procureurs, relève-t-il.

Le comité se dit « sensible au fait que des incertitudes demeurent quant à l’évolution de l’économie et qu’une certaine prudence est de mise ». Mais « le cadre financier est sain », et « le gouvernement est en mesure de prévoir une diminution de la dette nette ainsi qu’un retour à l’équilibre budgétaire » en 2027-2028.

En considérant tous les éléments en cause, le comité recommande donc les majorations suivantes, d’un total de 17 % en quatre ans :

• 2023-2024 : 6 %

• 2024-2025 : 4 %

• 2025-2026 : 3,5 %

• 2026-2027 : 3,5 %

Pour un horaire normal de 37,5 heures par semaine, le salaire au premier échelon passerait de 70 284 $ en ce moment à 83 000 $ en 2026 ; au dernier échelon, de 141 690 $ à 167 324 $.