(Québec) La jeune fille de 17 ans avait clairement refusé un « trip à trois » dans des messages écrits. Les deux ex-joueurs des Tigres de Victoriaville ont quand même décidé de l’attendre dans une chambre d’hôtel de la région de Québec en juin 2021, sans s’assurer d’avoir son consentement plein et entier.

L’un des joueurs a même filmé l’agression sexuelle à l’insu de la victime puis s’est empressé d’aller montrer la vidéo à des coéquipiers et à un entraîneur.

Nicolas Daigle et Massimo Siciliano, accusés d’avoir agressé sexuellement une adolescente de 17 ans dans les heures suivant leur victoire en finale de la Coupe du président de la LHJMQ en juin 2021, ont plaidé coupable in extremis, mercredi.

Les deux ex-hockeyeurs qui ont aujourd’hui 21 ans évitent ainsi un procès qui devait durer 11 jours. Le directeur général des Tigres de Victoriaville devait témoigner.

Des preuves saisies dans les cellulaires des joueurs devaient aussi être présentées au tribunal et rapportées par les médias.

Ces éléments resteront hors de l’œil du public pour l’instant, ordonnance du tribunal oblige.

Nicolas Daigle a plaidé coupable à des chefs d’accusation d’agression sexuelle, d’avoir produit un enregistrement vidéo à l’insu de la victime et d’avoir montré les images. Massimo Siciliano a quant à lui reconnu sa culpabilité à un seul chef, soit celui d’agression sexuelle.

Elle « ne semblait pas aimer ça »

L’agression sexuelle est survenue dans la nuit du 5 au 6 juin 2021. Quelques heures plus tôt, les Tigres de Victoriaville gagnaient leur première Coupe du président en près de 20 ans.

Selon la trame factuelle admise par la défense, la victime, une jeune employée de l’hôtel où séjourne l’équipe, a fraternisé avec Daigle et l’a embrassé. Vers 1 h 30 ce soir-là, Maude* reçoit une série de messages de Daigle sur Instagram.

Elle accepte de venir le rejoindre dans sa chambre, mais s’assure dans un message qu’il est seul. Daigle répond qu’il est avec un ami. Elle dit qu’elle ne veut pas de « trip à trois ». Daigle la rassure et lui dit qu’il sera seul.

Mais quand Maude entre dans la chambre, Daigle est accompagné de Siciliano. Il lui demande si ça la dérange qu’ils soient deux. Elle se sent prise au piège, répond « non », et Siciliano la « déshabille rapidement ».

Maude « fait ce qu’on lui demande, mais n’a aucun plaisir et ne donne aucun accord verbal ». Les deux joueurs saouls ne portent pas de condoms.

Les deux hockeyeurs ont même reconnu dans une conversation quelques heures après l’agression que Maude « ne semblait pas aimer ça ».

« Les accusés reconnaissent, étant entre autres en état d’ébriété, ne pas avoir pris les mesures raisonnables afin de s’assurer du consentement verbal » de Maude, selon l’exposé des faits.

Même si Maude refuse clairement d’être filmée, Daigle décide de la filmer à son insu alors qu’elle a une relation sexuelle avec Siciliano. Nicolas Daigle s’empresse ensuite de rejoindre d’autres joueurs qui font la fête à l’hôtel afin de leur montrer la vidéo. Il l’exhibe même à un entraîneur des Tigres, qui n’est pas nommé dans l’exposé des faits.

Dans la chambre d’hôtel, Siciliano se décide à partir seulement après que la jeune fille s’est effondrée en larmes.

Des plaidoyers de dernière minute

Les deux hommes connaîtront leur peine ultérieurement. Ils sont passibles de 10 ans d’emprisonnement.

« La plaignante peut inspirer des victimes à dénoncer », a lancé le procureur de la Couronne, Michel Bérubé, à l’issue de ce plaidoyer qui représente une victoire évidente pour la poursuite.

« Peu importe le statut de l’agresseur, que ce soit un joueur de hockey bien connu qui a gagné une coupe, peu importe… On invite toutes les victimes à dénoncer », a jouté Me Bérubé, qui est aussi le procureur qui dans le dossier de Michel Venne.

Ces plaidoyers sont survenus à la « dernière minute », pour citer Me Bérubé. Il faut dire que le juge Thomas Jacques avait rendu une décision lourde de conséquences pour la défense le 4 octobre dernier, en admettant en preuve le contenu saisi des téléphones cellulaires des joueurs.

Dès mardi, au début du procès, les quatre avocats de la défense ont demandé de suspendre l’audience. Derrière des portes closes, la Couronne et la défense ont convenu d’une trame factuelle. Puis les accusés ont décidé de plaider coupable.

La Couronne et la défense ont assuré n’avoir convenu d’aucune recommandation commune quant à la peine.

Il n’y a pas de concession qui a été faite pour obtenir ces plaidoyers-là. Moi j’étais prêt à faire un procès, à présenter la preuve.

Me Michel Bérubé, procureur de la Couronne

La LHJMQ a dit dans une courte déclaration avoir « pris connaissance du plaidoyer de culpabilité ». Selon la Ligue, qui a été éclaboussée récemment par plusieurs scandales entourant les initiations, ce dénouement « démontre que peu importe ton statut dans la communauté ou dans la société, personne n’est au-dessus des lois ».

La Ligue estime que cette affaire l’incite à « poursuivre sa mission de prévention et d’éducation auprès des joueurs ».

* Maude est un prénom fictif pour préserver l’identité de la victime.