Wanping Zheng, cet ancien scientifique de l’Agence spatiale canadienne (ASC) accusé d’abus de confiance pour avoir travaillé en parallèle au bénéfice d’une entreprise chinoise de satellites, a assuré aux policiers qu’il demeurait loyal envers le Canada et qu’il n’a jamais voulu nuire à son pays d’accueil, selon un enregistrement de son interrogatoire diffusé à son procès.

M. Zheng, dont le procès se déroule actuellement au palais de justice de Longueuil, a choisi de ne pas témoigner pour sa défense, comme il en a le droit. La Couronne a toutefois diffusé un enregistrement vidéo des déclarations qu’il a faites aux policiers de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) après son arrestation en 2021.

« Je n’ai rien fait pour nuire au pays. J’essaie d’aider le pays », lance-t-il à un enquêteur sur la vidéo.

Lorsque le policier lui fait remarquer qu’il a échangé avec des entreprises canadiennes d’exploration spatiale pour les amener à travailler avec Spacety, une entreprise chinoise de satellites, M. Zheng réplique qu’il n’a rien vu de mal à cette collaboration.

« Je n’étais pas sûr que je n’étais pas censé faire ça. Parce que je crois que ça ne cause aucun tort au Canada. Et je suis loyal au Canada. Je crois que c’est une bonne chose », insiste-t-il.

Le scientifique explique par ailleurs au policier que la collaboration internationale, y compris avec la Chine, faisait partie de son mandat au sein de l’organisme gouvernemental.

« Ça fait partie de ma job ! On m’a même demandé de contacter l’agence spatiale chinoise pour l’ASC. OK ? Pour arranger une rencontre, du président de l’ASC avec les Chinois. Pourquoi ? Parce que je suis un Chinois de l’ASC », dit-il.

« Je suis allé deux fois en Chine, avec une délégation de l’ASC », poursuit le scientifique.

Ne pas parler de son travail

Pendant son interrogatoire par les policiers, il déplore aussi les soupçons qui pèsent sur lui parce qu’il est né en Chine. Il dit avoir été interrogé par des agents du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), l’organisme chargé du contre-espionnage au Canada, simplement en raison de ses origines.

« Ils m’ont interviewé plusieurs fois. Parce que je suis chinois. Parce que je dois aller en Chine. Parce que j’ai des liens avec la Chine. Mais tous les Chinois ici aujourd’hui, ils ont des liens avec la Chine. Ma mère vit encore en Chine, je dois retourner pour la voir. J’ai deux sœurs. Tu grandis là-bas alors bien sûr que tu as plusieurs amis », explique-t-il.

« La seule chose, c’est que lorsque je vais là-bas, je ne parle pas de mon travail. Ce que nous faisons ici. Je sais, parce que j’ai un niveau de sécurité, que je ne dois pas parler de ça », poursuit-il.

Dans ses déclarations aux policiers, M. Zheng critique aussi le maigre financement du programme spatial canadien et dénigre ses dirigeants. « Ils ne dirigent pas l’ASC comme une agence spatiale, ils la dirigent comme une sorte de bureau de Postes Canada. »

Un partenaire dont les entreprises avaient besoin

La thèse de la poursuite est que Wanping Zheng a utilisé son poste clé à l’Agence spatiale canadienne pour favoriser les intérêts de Spacety, en contactant des entreprises canadiennes et en les incitant à travailler pour la société chinoise. Ces partenaires étaient en position de dépendance face à l’Agence spatiale canadienne et l’un d’eux est venu raconter au tribunal qu’il se sentait mal de refuser, car il ne voulait pas froisser M. Zheng, dont il avait besoin pour ses projets avec le gouvernement canadien.

À la fin de sa carrière à l’Agence spatiale canadienne, M. Zheng est devenu vice-président chez Spacety.

La preuve est close dans le cadre du procès et le juge Marc-Antoine Carette devrait mettre l’affaire en délibéré la semaine prochaine. La poursuite était représentée par MMarc Cigana et MSamuel Monfette-Tessier, du Service des poursuites pénales du Canada. La défense était assurée par MAndrew Barbacki et MJordan Trevick.