(Québec) Simon Jolin-Barrette digère mal la sortie fracassante de la bâtonnière du Québec qui prévient le gouvernement qu’une crise « gravissime » affecte les services judiciaires en protection de la jeunesse. Le Barreau n’a pas le « monopole » des solutions, réplique le ministre.

Le ministre de la Justice a renvoyé mercredi la balle à la bâtonnière du Québec, qui a lancé mardi un cri du cœur, affirmant que le système de justice en matière de protection de la jeunesse est pratiquement au « bord du précipice ». MCatherine Claveau a sollicité une rencontre avec les ministres Jolin-Barrette, Lionel Carmant (Services sociaux) et Ian Lafrenière (Relations avec les Premières Nations et Inuit), sans succès.

« C’est pas uniquement le Barreau du Québec qui a le monopole de trouver des solutions », a rétorqué le ministre Simon Jolin-Barrette en mêlée de presse avant la période de questions. Il a assuré « ne pas attendre après le Barreau » pour agir.

« D’ailleurs, j’aimerais beaucoup que le Barreau, dans ses prises de position publiques, y aille de façon constructive et dise quelles sont les solutions qu’ils ont à proposer, parce qu’à la lecture de l’article, à l’écoute des nombreuses entrevues, je n’ai entendu aucune solution, à l’exception de dire : ça prend plus de financement. Ce n’est pas qu’une question de financement, c’est une question de méthode de travail, comment la cour est organisée », a-t-il ajouté.

Or, la bâtonnière réclamait justement une rencontre rapide avec les trois ministres pour réfléchir à des solutions « concrètes et urgentes ». Selon elle, la justice prend une place « trop petite » dans les priorités du gouvernement Legault. « On souhaiterait au Barreau que les gens se sentent plus impliqués et interpellés parce qu’il y a une situation gravissime qui se passe », a-t-elle déploré.

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Me Catherine Claveau

MClaveau a mis en lumière que le nombre de dossiers en protection de la jeunesse a « explosé » dans la dernière année, alors que les ressources diminuent, s’inquiète la bâtonnière. Résultat : la justice n’arrive plus à respecter les délais légaux de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Le ministre de la Justice admet qu’il existe actuellement « des enjeux relativement aux délais rattachés aux « 60 jours » - quand un enfant est confié à la DPJ, l’ordonnance provisoire ne peut excéder 60 jours.

« Il y a une surjudiciarisation des dossiers. C’est pour ça qu’on a lancé un projet-pilote en matière de médiation familiale qui doit être utilisé davantage, justement pour que les parents avec les enfants […] où la DPJ est impliquée, qu’on trouve des solutions ensemble pour ne pas faire en sorte que nécessairement tous les dossiers soient judiciarisés », a expliqué le ministre Jolin-Barrette.

Il a rappelé l’ajout de huit postes de juges en Chambre de la jeunesse (dont quatre ont été pourvus).

Le ministre a par ailleurs voulu se faire rassurant : « Tous les dossiers où il y a des enfants en situation de vulnérabilité, où il y a des abus physiques, où l’intégrité des enfants est en cause, ce sont des dossiers qui sont fixés par priorité », a-t-il dit.

« On est en train d’échapper des enfants », selon les libéraux

Le Parti libéral du Québec a dénoncé le manque d’action du gouvernement Legault en matière de protection de la jeunesse, malgré le dépôt en 2020 du rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, dite la Commission Laurent. « Nous n’avons, au Québec, aucune garantie qu’on n’est pas en train d’échapper des enfants », a lancé le chef intérimaire Marc Tanguay.

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Marc Tanguay

« Le rapport Laurent s’intitulait, il y a deux ans et demi, Instaurer une société bienveillante pour nos enfants et nos jeunes. C’est bien de valeur, mais le gouvernement Legault [est aux] abonnés absents. On a l’impression qu’ils abandonnent nos jeunes, abandonnent la jeunesse. Les délais dans les tribunaux font en sorte que les droits fondamentaux de nos tout-petits sont théoriques dans bien des cas. Ça, on ne peut pas accepter ça », a-t-il poursuivi.

La porte-parole libérale en matière de protection de la jeunesse, Brigitte Garceau, a pressé les ministres concernés par la lettre de la bâtonnière à prendre « leur agenda et d’encercler une date » au calendrier pour la rencontrer sans délai.

Avec Louis-Samuel Perron