La police de Montréal hausse le ton contre l’entreprise FunGuyz, qui vend illégalement des champignons hallucinogènes dans la métropole. En plus de mener deux autres perquisitions à Montréal et à Longueuil, le corps policier a obtenu jeudi une « ordonnance de blocage » afin de saisir l’immeuble et d’empêcher la boutique de rouvrir une fois de plus.

Selon la porte-parole du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), MPatricia Johnson, un enquêteur a en effet obtenu d’un juge une « ordonnance de blocage » contre l’entreprise en matinée, peu avant la tenue d’une troisième perquisition en quelques semaines.

Une telle ordonnance est en fait une injonction qui prescrit le gel des avoirs d’une personne physique ou morale et qui lui interdit par le fait même « de disposer de ses biens afin de faire en sorte qu’ils restent à disposition en vue de leur recouvrement, de leur saisie ou de leur vente à la suite de la décision rendue par le tribunal », lit-on sur le site du gouvernement.

D’après nos sources, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) souhaite ainsi accentuer la pression sur FunGuyz, qui a rouvert sa boutique deux fois à la suite de perquisitions ces dernières semaines. Cette fois, l’objectif serait de saisir non seulement les produits vendus, mais aussi le commerce lui-même, par la voie des tribunaux.

C’est peu avant midi, jeudi, que le SPVM a procédé à sa troisième perquisition en quelques semaines dans les locaux montréalais de FunGuyz, rue Ontario Est près de l’avenue Papineau. Un homme de 24 ans a été arrêté sur place, avant d’être libéré sur promesse de comparaître ultérieurement. Des stupéfiants et du matériel ont été saisis par les forces de l’ordre.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Au passage de La Presse, en début d’après-midi, bon nombre de patrouilleurs surveillaient l’entrée du commerce pendant que d’autres y entraient ou en sortaient. L’établissement avait rouvert après les deux premières perquisitions dont il a fait l’objet en juillet.

Simultanément, une autre perquisition a eu lieu à Longueuil, dans un logement de la place Charles-Le Moyne. Des stupéfiants y ont aussi été saisis, ainsi que « d’autres éléments » pertinents pour l’enquête. Un policier du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) aurait « fait feu en direction d’un animal » lors de cette perquisition pour des raisons de sécurité. On ignore l’état actuel de l’animal.

Une perquisition dès l’ouverture

L’affaire FunGuyz avait connu trois grands moments jusqu’ici. D’abord, le 11 juillet dernier, lors de l’ouverture officielle de l’établissement montréalais qui avait fait grand bruit, une première descente de police avait immédiatement eu lieu dans les locaux. Quatre personnes avaient été arrêtées, une enquête avait été ouverte et du matériel avait été saisi.

« On s’attend à ce qu’il y ait une descente de police, c’est arrivé à tous nos commerces. Si ça arrive, on va rouvrir tout de suite après », avait annoncé le matin même le copropriétaire Hector Hernandez, qui ne se disait pas du tout inquiet par la situation. La semaine précédente, à la suite d’une autre descente de police qui avait eu lieu au magasin de Barrie, en Ontario, il avait déclaré : « Ils ont pris nos produits et ont fait des arrestations, puis on a rouvert dès qu’ils sont partis. »

Peu après, la boutique montréalaise a en effet été rouverte. Mais neuf jours plus tard, le 20 juillet dernier, cinq personnes ont été arrêtées et deux autres endroits, en plus de la boutique, ont fait l’objet de perquisitions.

Il s’agissait d’un appartement situé au-dessus de la boutique et d’un autre situé ailleurs sur l’île de Montréal. La police avait alors affirmé qu’elle avait des raisons de croire qu’il s’agissait d’endroits où la marchandise était entreposée.

Pratique illégale au Canada

Au Canada, la production, la vente et la possession de champignons hallucinogènes sont illégales. Depuis janvier 2022, il est possible de s’en procurer légalement à des fins strictement thérapeutiques, mais l’accès y est toutefois très limité.

La chaîne spécialisée dans les champignons hallucinogènes, qui compte déjà 11 magasins en Ontario, souhaite tout de même s’établir à travers la province dans les prochaines semaines avec deux boutiques à Montréal, une à Laval et une à Trois-Rivières.

Sur le plan politique, l’arrivée de FunGuyz à Montréal a également suscité des inquiétudes. Le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel, a clairement fermé la porte en soutenant qu’il « ne veut pas voir ce genre de commerce sur notre territoire ». Au cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, on avait promis que le SPVM appliquerait la loi, tout en affirmant que « dans une optique de santé publique, la décriminalisation de la possession simple de drogue pour usage personnel sauve des vies ».

Avec la collaboration d’Alice Girard-Bossé, La Presse