Deux individus considérés par les autorités comme étant liés au crime organisé traditionnel irlandais ont fait un nouveau pas vers la liberté ces dernières semaines.

Jeffrey Colegrove, 56 ans, a obtenu sa libération d’office – aux deux tiers de sa peine – sous de fortes conditions alors qu’Alain Charron, 74 ans, ancien membre du clan Dubois, associé du Gang de l’Ouest et ami du caïd Raynald Desjardins, est maintenant en libération conditionnelle totale.

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Jeffrey Colegrove

Colegrove purge depuis janvier 2017 une peine d’emprisonnement de 12 ans pour trafic de drogue. Il avait été arrêté en 2015 par des enquêteurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dans une maison de l’ouest de l’île de Montréal où, outre de la drogue, les policiers avaient découvert des armes, des lunettes tactiques, des viseurs laser et des vestes antiballes.

En 2018, alors qu’il purgeait sa peine, Colegrove avait de nouveau été arrêté pour avoir présumément dirigé un réseau de trafic de stupéfiants de l’intérieur des murs.

Les accusations ont toutefois été abandonnées après qu’un juge eut statué que l’écoute électronique était illégale.

Colegrove était autrefois considéré par la police comme un acteur important de l’exportation à grande échelle de cannabis vers les États-Unis.

Il aurait été le patron d’Elizabeth Barrer, alias Nicki, fugitive américaine inscrite sur la liste des criminels les plus recherchés aux États-Unis et tuée à Montréal en 2014.

Risques élevés

Colegrove dit ne pas être affilié au crime organisé traditionnel irlandais, mais les commissaires aux libérations conditionnelles lui reprochent d’avoir été impliqué dans du trafic institutionnel durant son incarcération et considèrent que ses valeurs criminelles sont toujours bien ancrées.

Puisque les risques de récidive sont importants selon les commissaires, ceux-ci lui imposent de sévères conditions.

Ainsi, jusqu’à la fin de sa peine, Colegrove sera assigné à un centre géré par les services correctionnels, ne pourra consommer ni drogue ni alcool, devra chercher ou garder un emploi, devra éviter toute personne ayant des antécédents criminels ou étant liée à une organisation criminelle, ne pourra posséder plus d’un téléphone cellulaire et une carte SIM, devra fournir sur demande son registre téléphonique à ses agents de libération, devra divulguer toutes ses transactions financières et, enfin, ne pourra fréquenter les débits de boisson.

« Alors que vous niez toute implication dans les délits répertoriés et malgré votre démarche de désaffiliation, votre agent de libération plaide que votre sécurité pourrait être menacée si vous résidiez dans une maison de transition. Cela fait croire à la Commission que vous êtes toujours une personne d’intérêt pour la pègre. Il est donc logique de penser que cela pourrait vous amener à reprendre vos activités criminelles afin de […] vous protéger, vous armer ou retourner vers vos associés criminels violents », écrit un commissaire aux libérations conditionnelles dans une décision de neuf pages.

Le chemin de Damas

Pour sa part, arrêté par les enquêteurs de la Gendarmerie royale du Canada, Alain Charron purge depuis 2020 une peine de cinq ans de pénitencier pour une affaire de complot d’importation d’une grande quantité de résine de cannabis.

Charron avait déjà obtenu sa semi-liberté (permission d’aller en maison de transition) en décembre dernier. Il vient maintenant d’obtenir sa libération conditionnelle totale et peut retourner vivre chez lui.

Les commissaires aux libérations conditionnelles considèrent que Charron a continué de bien progresser ces derniers mois.

« La Commission conclut que vous avez trouvé votre chemin de Damas et, ce faisant, avez fait des progrès mesurables et observables », écrivent-ils dans leur décision de huit pages.

Ils demeurent toutefois prudents et maintiennent encore plusieurs conditions : Charron devra divulguer toutes ses transactions financières, posséder un seul téléphone cellulaire, une seule carte SIM et fournir son registre téléphonique sur demande, ne pas fréquenter les bars et n’avoir aucun contact avec toute personne ayant des antécédents criminels ou qu’il sait liée à une organisation criminelle.

« Vous avez été un important joueur dans le trafic de drogue. […] La Commission note que vous avez été condamné et incarcéré à l’étranger, dont aux États-Unis et aux Bahamas, pour le même type d’infraction. Par ailleurs, des soupçons planent sur une criminalité cachée que vous niez catégoriquement. Votre association au monde interlope remonte aux années 1970. Vous admettez avoir eu des contacts à titre d’indépendant avec des groupes criminalisés, dont les motards, le Gang de l’Ouest et le clan italien. La Commission prend note que vous avez répondu à la justice pour des accusations de meurtres et de complot de meurtres à trois reprises. Malgré votre acquittement ou le retrait de ces accusations, il n’en demeure pas moins que lesdites procédures judiciaires sont indicatives d’une criminalité d’envergure et d’une gravité objective », écrivent notamment les commissaires.

En libération, Charron veut s’occuper d’une personne proche qui a des problèmes de santé, jouer au golf et aller à la pêche.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.