Le Barreau se range derrière la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, face à la décision du gouvernement d’encadrer le financement du Conseil de la magistrature.

Un changement qui risque de nuire à l’indépendance de la justice, soutient la bâtonnière du Québec, Catherine Claveau, dans une lettre envoyée vendredi au ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette, que nous avons consultée.

Le projet de loi 26, déposé à l’Assemblée nationale le 9 mai dernier, propose que le Conseil ne soit plus financé « à même le fonds consolidé du revenu ». Il le serait plutôt par « les crédits votés annuellement à cette fin par l’Assemblée nationale ». Un changement majeur, puisque le financement du Conseil pourrait ainsi être limité par les élus.

Lisez l’article « Le Conseil de la magistrature refuse que Québec encadre son financement »

Une attaque contre l’indépendance judiciaire, l’efficacité des tribunaux et l’accès à la justice, avait dénoncé par communiqué la juge en chef Lucie Rondeau, également présidente du Conseil de la magistrature.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

La juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau

MCatherine Claveau abonde dans le même sens. « Nous comprenons que l’intention du projet de loi vise à ce que les sommes octroyées annuellement au Conseil de la magistrature s’inscrivent dans un processus budgétaire gouvernemental transparent à l’égard de l’utilisation des fonds publics », écrit-elle d’abord.

Un exercice de reddition de comptes est aussi prévu dans le projet de loi 26, et le Barreau appuie cette mesure.

Mais selon MClaveau, le changement proposé par Simon Jolin-Barrette « comporte des risques d’atteinte à l’indépendance du Conseil de la magistrature. Cela pourrait mener à des contestations judiciaires qui fragiliseraient cette confiance nécessaire envers notre système démocratique ».

Des discussions doivent avoir lieu, selon le Barreau

Trois semaines avant le dépôt du projet de loi, le ministre et la juge en chef avaient réussi à trouver un compromis pour régler le long conflit sur l’horaire des juges.

La juge en chef de la Cour du Québec n’avait toutefois pas été avisée des changements liés au financement du Conseil de la magistrature. Pour MClaveau, le sujet doit faire l’objet de « discussions préalables » entre M. Jolin-Barrette et Mme Rondeau.

La bâtonnière propose « la conclusion d’une entente prévoyant des règles claires quant à l’octroi des crédits budgétaires, garantissant ainsi l’indépendance du Conseil de la magistrature et, ultimement, l’indépendance judiciaire ».

MClaveau va même plus loin en suggérant une consultation publique à ce sujet.

Québec perd son appel sur le bilinguisme des juges

Rappelons que cette année, le Conseil de la magistrature a dépassé de 1 million son budget annuel en raison de sa participation à de nombreuses contestations judiciaires, dont celle portant sur le bilinguisme des juges et la réforme de la loi 101 (projet de loi 96).

Par le passé, le ministre de la Justice avait critiqué le fait que des fonds avaient servi à contester la loi 96.

Simon Jolin-Barrette a connu un autre revers vendredi dans ce dossier. La Cour d’appel a rejeté son appel d’une décision de la Cour supérieure de janvier dernier. Celle-ci permettait de suspendre le processus de sélection d’un nouveau juge en Montérégie jusqu’à ce que la cause soit entendue sur le fond.