Le délateur et ancien motard Stéphane Gagné, alias Godasse, dont le témoignage avait permis la condamnation de l’ancien chef guerrier des Hells Angels, Maurice Boucher, pour les meurtres de gardiens de prison au début des années 2000, obtient une semi-liberté, après une incarcération qui aura duré près de 25 ans.

Gagné, 53 ans, l’un des témoins repentis les plus connus de l’histoire criminelle de la province, est protégé par la Sûreté du Québec et a une nouvelle identité ; il ne peut donc aller en maison de transition et a été envoyé dans un endroit tenu secret.

Stéphane Gagné purge une peine à perpétuité pour le meurtre d’une gardienne de prison, Diane Lavigne, et pour une tentative de meurtre commise contre un autre agent correctionnel, Robert Corriveau, en 1997.

Ces attaques contre des gardiens de prison, survenues au plus fort de la guerre des motards qui a perduré au Québec de 1994 à 2002, avaient été commandées par Maurice Boucher, mort d’un cancer l’an dernier.

Apprivoiser les cartes bancaires

Stéphane Gagné a fait ses premiers pas vers la liberté en 2018, alors que les commissaires aux libérations conditionnelles du Canada lui ont accordé des droits de sortie avec escorte.

Ces sorties se sont bien déroulées et lors d’une audience tenue à huis clos au cours des dernières semaines, Gagné a demandé aux commissaires de maintenant lui accorder sa libération conditionnelle totale ou sa semi-liberté.

Même si un psychologue évalue les risques de récidive à modérés, les commissaires ont souligné les progrès réalisés par Gagné en détention et lors de ses sorties au cours desquelles il a notamment « pu interagir avec des citoyens, apprendre à payer avec des cartes bancaires, magasiner et manger au restaurant », peut-on lire dans la décision de 14 pages de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) rendue le 21 février.

À l’intérieur des murs, Gagné a occupé un emploi à la cuisine, où il était le représentant des détenus et faisait le pont avec les agents correctionnels. Depuis la pandémie, il a eu davantage de responsabilités et était seul aux commandes.

Six mois de semi-liberté

« À l’audience, vous avez mentionné comprendre les dommages que vous avez causés aux victimes et victimes collatérales. Vous indiquez avoir une pensée pour elles tous les matins. Vous dites que vous ne vous pardonnerez jamais pour les gestes irréparables que vous avez commis, mais que vous devez apprendre à vivre avec », écrivent les commissaires qui acceptent de lui octroyer la semi-liberté, mais pour une première période de six mois.

« La Commission refuse la libération conditionnelle totale. La Commission est d’avis que vous présenterez un risque inacceptable pour la société si vous obtenez une libération conditionnelle totale et que votre mise en liberté ne contribuera pas à la protection de la société en favorisant votre réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois », ajoutent les commissaires.

Suivi psychologique

En semi-liberté, Gagné doit respecter des conditions : il doit respecter un couvre-feu entre 22 h et 6 h, posséder un seul appareil de communication et une seule carte SIM, permettre à son agent de libération de vérifier toutes ses communications, ne doit pas communiquer avec les proches des victimes, ne doit pas communiquer avec toute personne impliquée dans des activités criminelles ou faisant partie d’une organisation criminelle, et doit participer à des suivis psychologiques.

« Après avoir passé près de 25 ans dans des établissements pénitentiaires fédéraux, vous vous retrouverez dans un nouvel environnement sous une nouvelle identité. Vous serez confrontés à des obstacles qui nécessiteront une saine gestion des émotions », expliquent les commissaires.

Tout ce qui concerne les projets de Gagné relativement à son éventuelle libération conditionnelle totale a été discuté à huis clos lors de ses audiences de la CLCC, pour une question de sécurité, alors on ignore tout de sa nouvelle vie.

Le tombeur de Mom

Après les meurtres des gardiens de prison en 1997, les policiers avaient réussi à coincer Gagné après avoir obtenu des déclarations d’un complice.

Stéphane Gagné a ensuite rapidement collaboré avec la police et son témoignage a été primordial pour faire condamner, en 2002, Maurice Boucher, pour les meurtres de Diane Lavigne et d’un autre agent correctionnel, Pierre Rondeau, et pour la tentative de meurtre sur Robert Corriveau.

Stéphane Gagné est admissible à la semi-liberté depuis 2014 et à la libération conditionnelle totale depuis 2017.

En 2015, il s’était adressé à la Cour supérieure et avait raconté sa vie à un jury, pour faire devancer sa date d’admissibilité à la libération conditionnelle qui est ainsi passée de 25 à 19 ans.

Il avait reçu plusieurs témoignages favorables, dont ceux de policiers.

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