Le meurtre de la jeune Meriem Boundaoui, qui a choqué tout le Québec en février 2021 à Montréal, est l’aboutissement d’une lente escalade d’évènements conflictuels entre deux familles de commerçants de la rue Jean-Talon.

C’est ce que révèlent certains détails de la preuve contenus dans une requête déposée en cour, mais qu’on ne peut dévoiler que partiellement en raison d’un interdit de publication.

Rappelons que deux individus, Aymane Bouadi et Salim Touaibi, sont accusés du meurtre prémédité de l’adolescente de 15 ans et des tentatives de meurtre de quatre jeunes qui se tenaient près d’elle, le soir du 7 février 2021, à l’angle des rues Jean-Talon et Valdombre, dans l’arrondissement de Saint-Léonard.

Les noms des deux familles qui possèdent les commerces, un salon de coiffure et une épicerie, sont couverts par l’interdit de publication. Chacune a plusieurs membres.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Meriem Boundaoui était passagère de cette voiture lorsqu’elle a été atteinte par l’un des projectiles.

Chicane de stationnement

Les détails suivants sont contenus dans la requête produite par la poursuite, mais n’ont pas encore été prouvés devant les tribunaux.

Dans les mois qui ont précédé le drame, durant l’année 2020, le propriétaire de l’épicerie a commencé à se plaindre au propriétaire du salon de coiffure que les clients de ce dernier se garaient sur le terrain de son commerce.

À ce moment, la relation entre les deux familles était encore cordiale, mais elle s’est envenimée lorsqu’un membre de l’une des familles et un membre de l’autre ont commencé à se disputer.

En janvier 2021, les deux mêmes personnes en conflit se sont croisées lors d’un voyage dans le Sud. L’un des accusés, Aymane Bouadi, accompagnait l’une des deux et aurait menacé l’autre.

Au début du mois de février 2021, d’autres altercations sont survenues entre les deux mêmes membres des deux familles et le 6 février, l’un a convoqué l’autre à un rendez-vous, pour régler le conflit.

Mais lorsque le second s’est présenté à l’endroit où l’avait convoqué le premier, il a été violemment agressé par plusieurs individus, dont Touaibi.

Le même jour, un membre de la famille de la personne qui venait d’être prise à partie s’est rendu dans l’épicerie de l’autre famille et y a commis des méfaits. En soirée, deux des membres de la famille du propriétaire du salon de coiffure s’en sont pris à un membre de l’autre famille.

Vers 18 h 50, toujours le même jour, un inconnu a appelé l’un des membres de la famille possédant le salon de coiffure pour lui donner rendez-vous.

Un autre appel a suivi, sur FaceTime cette fois, et la même personne qui avait reçu le premier appel a pris une capture d’écran de son interlocuteur : selon l’enquête, il s’agit de Salim Touaibi.

« On va t’en mettre une dans la tête, péter la Golf blanche stationnée en bas, descendre la vitre du salon et tout brûler à l’intérieur si tu ne viens pas nous rejoindre », disait cet interlocuteur.

« Je suis en train d’arranger ça »

Le lendemain, le 7 février, le même membre de la famille du propriétaire du salon de coiffure a reçu, d’un numéro masqué, un appel du même individu qui lui a dit « de venir le voir s’il est un homme ».

Plus tard, une nouvelle rencontre pour régler le conflit a été planifiée.

Vers 17 h 50, le membre de la famille à laquelle appartient le salon de coiffure a reçu un appel de l’individu qui l’avait appelé la veille. Ce dernier lui a proposé de venir se battre devant le salon de coiffure Yaniso, mais l’autre l’a plutôt invité à le rejoindre à l’angle des rues Jean-Talon et Valdombre.

« J’arrive live », a répondu l’individu.

À 17 h 54, l’un des membres de la famille propriétaire de l’épicerie a reçu un appel d’un téléphone associé à Salim Touaibi et lui a dit « de ne rien faire », qu’il était « en train d’arranger ça ».

Au même moment, des amis des membres de la famille propriétaire du salon de coiffure se sont présentés à l’angle des rues Jean-Talon et Valdombre.

Vers 18 h 03, une Mercedes C300 s’est immobilisée à la hauteur du groupe. Le conducteur a demandé à l’un des jeunes s’il était « le gars de Yaniso ». Le jeune a répondu : « Oui. »

À ce moment, l’un des deux occupants de la Mercedes a sorti une arme de poing et tiré à cinq reprises vers le groupe, atteignant mortellement à la tête Meriem Boundaoui, qui était assise dans la voiture de l’un des amis arrivés sur les lieux.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Rassemblement pour souligner l’anniversaire de la mort de Meriem Boundaoui, en février 2022

Véhicule retrouvé six jours plus tard

Les suspects ont aussitôt pris la fuite dans la rue Valdombre en direction nord.

On apprend dans la requête que dès le 12 février, six jours plus tard, les enquêteurs du Service de police de la Ville de Montréal avaient déjà identifié et repéré la Mercedes.

Ils ont trouvé une douille à l’intérieur et l’ont comparée avec deux autres trouvées sur les lieux : tous les coups de feu ont été tirés avec la même arme.

Les limiers ont aussi analysé le GPS et l’ordinateur du véhicule pour la période du 23 janvier au 7 février 2021.

Ils ont constaté que la Mercedes s’était rendue régulièrement à proximité de la résidence de Touaibi, de même qu’à d’autres endroits, à des moments pertinents pour l’enquête.

Les enquêteurs ont même pu savoir à quels moments les portes du côté conducteur et du côté passager avant du véhicule se sont ouvertes et fermées, examiner les lieux et le trajet de la Mercedes, déterminer les tours de communication qu’elle a croisées, et trouvé, grâce à cette analyse, des caméras de surveillance qui ont filmé Touaibi.

Les registres téléphoniques des accusés ont également été analysés.

La cause a été reportée au 8 mars prochain.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.