(Québec) « Une grande tristesse » mais aussi « de la colère » habitent la propriétaire de la garderie éducative Ste-Rose de Laval, qui a perdu « deux petits papillons » la semaine dernière dans une tragédie qui a secoué tout le Québec.

Nancy Gschwender s’exprime publiquement pour la première fois depuis le drame. On l’a vue adresser quelques mots au premier ministre François Legault et aux chefs de l’opposition lors de leur visite des lieux jeudi, mais elle n’était alors pas prête à témoigner. Elle se confie dans une lettre envoyée à La Presse.

« Mercredi dernier, mon cœur s’est brisé », écrit Nancy Gschwender, qui œuvre depuis plus de 30 ans dans le milieu de la petite enfance.

Même trois décennies d’expérience ne pouvaient me préparer au drame survenu le 8 février.

Nancy Gschwender, propriétaire de la garderie éducative Ste-Rose de Laval

Elle n’était pas présente à la garderie lorsque le chauffeur d’autobus a foncé sur l’immeuble avec son véhicule, tuant deux jeunes enfants et en blessant grièvement six autres mercredi.

Alertée par son équipe d’éducatrices, elle s’est précipitée sur les lieux pour leur prêter main-forte. Les policiers venaient à peine de boucler le secteur. Ils ont refusé qu’elle franchisse le périmètre de sécurité.

« Malgré ma protestation et mon insistance, je suis restée derrière la scène, impuissante. Impuissante dans les minutes les plus cruciales où je savais que mon équipe avait besoin de soutien », déplore-t-elle.

Hommage aux éducatrices

La propriétaire rend hommage aux éducatrices et membres du personnel qui « ce matin-là, malgré le fait que leurs vies étaient également en danger, […] ont tout donné […] pour porter secours aux enfants blessés et aux enfants témoins ». La directrice de la garderie a pu, elle, leur apporter son aide : elle est arrivée quelques minutes après l’impact, avant les policiers. « Elles se sont toutes mobilisées rapidement pour intervenir auprès des enfants et ensuite pour accompagner les premiers répondants dans le transport et le soutien des enfants. Ces visages rassurants et familiers qui étaient essentiels pour nos enfants pendant ces grands moments de crise. »

Nancy Gschwender aurait voulu être à leurs côtés, dans les locaux, en cette matinée tragique. Qu’on lui interdise l’accès à sa propre garderie l’a marquée, de toute évidence. Elle témoigne de son tourment dans la lettre, s’adressant directement aux membres de son personnel. « À l’équipe, à la directrice, je vous dis : ce sentiment d’impuissance me hante. Je voudrais pouvoir chasser les images qui resteront gravées à jamais dans votre mémoire. Mais sachez également que vous avez toute mon admiration et mon éternelle reconnaissance. »

Retenue à l’extérieur du périmètre de sécurité, la propriétaire a accueilli les enfants dans une école située tout près des lieux, avec l’aide de la directrice générale.

Malgré la grande tristesse et la colère qui m’habitent, j’éprouve une très grande fierté envers toute l’équipe qui a brillé par tout son courage et son amour.

Nancy Gschwender, propriétaire de la garderie éducative Ste-Rose de Laval

La propriétaire de la garderie se dit également « éternellement reconnaissante envers les parents sur place, le voisinage, ainsi que les premiers répondants ». « Votre soutien fut primordial », dit-elle.

Elle est « émue par le soutien, l’empathie et la générosité » offerts par le réseau des garderies, la communauté lavalloise, mais aussi par le Québec et tout le pays.

Nancy Gschwender dit travailler « sans relâche » avec son équipe depuis mercredi pour soutenir les familles, en collaboration avec le ministère de la Famille, la Ville de Laval, le CIUSSS et son assureur. « Il est primordial pour nous de relocaliser nos familles et de continuer à leur offrir nos services. Le bien-être de nos enfants reste la priorité pour notre équipe, même dans ces temps difficiles. »

Mais malgré la fierté éprouvée pour son équipe et la reconnaissance envers tous les acteurs impliqués, son « cœur reste brisé », conclut-elle. « Mon cœur est brisé puisque des vies ont été injustement et cruellement volées et brisées. »

Lettre de Nancy Gschwender

Je tiens tout d’abord à offrir mes plus sincères condoléances aux familles des deux petits papillons partis trop tôt.

Pour ma part, depuis plus de 30 ans que j’œuvre dans le milieu de la petite enfance. J’ai dédié ma carrière à offrir les meilleurs services possible dans le domaine de la petite enfance. Mais même trois décennies d’expérience ne pouvaient me préparer au drame survenu le 8 février dernier.

Mercredi dernier, mon cœur s’est brisé. Je n’étais pas sur place lorsque l’évènement est survenu. Après avoir reçu l’appel, je me suis immédiatement dirigée vers la garderie pour prêter secours. En arrivant sur les lieux, le périmètre de sécurité était déjà installé. Je n’ai pu le franchir. Malgré ma protestation et mon insistance, je suis restée derrière la scène, impuissante. Impuissante dans les minutes les plus cruciales où je savais que mon équipe avait besoin de soutien. Une équipe qui se donne corps et âme quotidiennement, qui accompagne et se dévoue au bien-être de nos enfants.

Ce matin-là, malgré le fait que leurs vies étaient également en danger, elles ont tout donné. Tout donné pour porter secours aux enfants blessés et aux enfants témoins. Du personnel était déjà sur place au moment de l’accident. Ma directrice est arrivée quelques minutes après l’impact, mais avant les premiers répondants. Elles se sont toutes mobilisées rapidement pour intervenir auprès des enfants et ensuite pour accompagner les premiers répondants dans le transport et le soutien des enfants. Ces visages rassurants et familiers qui étaient essentiels pour nos enfants pendant ces grands moments de crise.

À l’équipe, à la directrice, je vous dis : ce sentiment d’impuissance me hante. Je voudrais pouvoir chasser les images qui resteront gravées à jamais dans votre mémoire. Mais sachez également que vous avez toute mon admiration et mon éternelle reconnaissance. Je suis fière de vous.

Je serai également éternellement reconnaissante envers ma directrice générale qui s’est également retrouvée derrière le périmètre avec moi. Ensemble, nous nous sommes immédiatement mobilisées pour aider à accueillir les enfants à l’école tout près des lieux de l’accident.

Malgré la grande tristesse et la colère qui m’habitent, j’éprouve une très grande fierté envers toute l’équipe qui a brillé par tout son courage et son amour. Mes directrices et moi-même, par nos fonctions administratives, travaillons sans relâche depuis mercredi pour soutenir nos familles, notre communauté si chère. Nous travaillons en collaboration avec nos partenaires au ministère de la Famille, à la Ville de Laval, au CIUSS et notre assureur, pour offrir le plus grand soutien. Il est primordial pour nous de relocaliser nos familles et de continuer à leur offrir nos services. Le bien-être de nos enfants reste la priorité pour notre équipe, même dans ces temps difficiles.

Je serai également éternellement reconnaissante envers les parents sur place, le voisinage, ainsi que les premiers répondants qui se sont mobilisés pour apporter des soins aux victimes et du soutien à notre équipe, mais également pour accompagner les enfants et mon équipe dans les heures qui ont suivi. Votre soutien fut primordial. Je suis également particulièrement émue par le soutien, l’empathie et la générosité qui nous sont offerts par la communauté des garderies, la communauté lavalloise, ainsi que du Québec et du Canada en entier.

Malgré la fierté que j’éprouve pour l’équipe de la garderie et ma reconnaissance envers tous les acteurs impliqués directement ou indirectement, mon cœur reste brisé. Mon cœur est brisé puisque des vies ont été injustement et cruellement volées et brisées.

Mes pensées et celles de mon équipe sont avec tous les enfants blessés et leur famille, ainsi que tous ceux qui ont été ébranlés par ce drame.

Nancy Gschwender, propriétaire de la garderie éducative Ste-Rose