Libéré d’office aux deux tiers de sa peine en octobre dernier avec l’obligation, entre autres, de divulguer toutes ses transactions financières, le caïd Raynald Desjardins a vivement contesté l’application de cette condition spéciale. Mais la section d’appel de la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) vient de trancher : Desjardins devra s’y conformer.

Raynald Desjardins, 69 ans, est toujours sous le coup, pour encore quelques semaines, d’une peine de 14 ans pour avoir comploté le meurtre de l’aspirant-parrain Salvatore Montagna, commis en novembre 2011 à Charlemagne.

Au moment de sa libération l’automne dernier, il a porté en appel la décision des commissaires aux libérations conditionnelles de lui imposer une condition l’obligeant à dévoiler toutes ses transactions financières à son agent de libération.

Desjardins a notamment fait valoir, dans son argumentation, que la Commission des libérations conditionnelles du Canada n’a pas tenu compte de ses représentations écrites lorsque cette condition lui a été imposée, que rien dans les renseignements ne permet d’associer ses délits actuels à l’appât du gain ou à l’enrichissement par le biais d’activités criminelles, et que la CLCC n’établit pas de lien entre cette condition, ses facteurs de risque et la probabilité de récidive.

Au cœur d’une guerre de pouvoir

Mais la section d’appel de la CLCC a rejeté ses prétentions, statuant que Desjardins n’avait pas soulevé de motifs pour renverser cette décision et que la Commission « peut imposer au délinquant qui bénéficie d’une libération d’office les conditions qu’elle juge raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant ».

« L’information au dossier indique que pour la majorité de votre vie adulte, vous étiez très bien situé dans le monde du crime organisé et que vous êtes toujours considéré un associé actif au crime organisé. Le jugement sur la peine de la Cour supérieure du Québec daté du 19 décembre 2016 note que vos délits à l’origine faisaient état de la guerre de pouvoir ou de la succession du possible parrain de la mafia dans la métropole de Montréal. De plus, la Cour a noté que la raison du complot pour commettre un meurtre était pour la recherche de pouvoir ou de lucre. [...] La Section d’appel estime qu’un lien clair a été établi entre la condition de divulguer vos finances et votre risque de commettre une infraction pour but d’appât du gain », écrivent les membres de la Section d’appel dans leur décision de quatre pages.

« Vous soutenez que la condition n’est pas liée à vos facteurs de risque. L’attitude est un facteur contributif de votre criminalité qui requiert un besoin élevé d’intervention. Le plan correctionnel indique ce qui suit : L’implication de Raynald Desjardins au sein du crime organisé, ayant abouti à son engagement dans un complot de meurtre dans le contexte d’une lutte de pouvoir, nous mène à croire qu’il possède des attitudes pro-criminelles enracinées de longue date », écrivent aussi les commissaires.

Raynald Desjardins doit également respecter d’autres conditions : il lui est interdit de fréquenter ou de communiquer avec des individus impliqués dans une organisation criminelle ou dans le trafic de stupéfiants, de fréquenter les établissements licenciés connus pour être associés au crime organisé, de communiquer avec la famille de Montagna et de posséder plus d'un téléphone cellulaire et une carte SIM.

Il doit également fournir à ses surveillants, sur demande, son registre d’appels, ses messages vocaux, ses textos, ses accès à l'internet et tout autre renseignement qui pourrait lui être demandé relativement à son appareil qui, de plus, ne pourra être muni d’un système de communications cryptées.

Les autorités considèrent toujours Raynald Desjardins comme un joueur actif dans le monde interlope, mais lui dit avoir pris sa retraite.

Il y a un peu plus d’une semaine, La Presse a publié un article dans lequel on a appris qu’un membre des Hells Angels de la section de Montréal, Daniel André Giroux, également libéré d’office, contestait lui aussi la condition sur la divulgation de ses transactions financières et annonçait déjà son intention de ne pas la respecter.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.