Le sauvetage d’un couple de septuagénaires américains en septembre 2020 dans la région de Magog a été une véritable course contre la montre et tout un labyrinthe pour les enquêteurs de la Sûreté du Québec, a raconté l’un d’eux, Guillaume Poirier, jeudi au procès devant jury de Gary Arnold, accusé d’enlèvement, de séquestration et de menaces.

21 septembre 2020 

Mackenzie Helm est intercepté avec 50 kilogrammes de cocaïne au Vermont, dans le cadre d’une enquête de la Drug Enforcement Administration (DEA) des États-Unis

28 septembre 2020

À 6 h 20, Michael Helm se présente à la résidence de ses parents, Sandra et James Helm, sur la route d’État 95, à Moira, dans l’État de New York. La voiture de ses parents est sur place, il y a des traces d’effraction, mais le couple n’est pas dans la maison.

Michael Helm communique avec la police de l’État de New York, qui envoie des enquêteurs sur place. Une enquête d’enlèvement est déclenchée.

Un mandat de géolocalisation est obtenu pour le téléphone cellulaire de James Helm. Les résultats démontrent que l’appareil se trouvait près de la maison du couple vers 23 h le 27 septembre, mais qu’il était dans une ville appelée North Bangor, à 1 h 30 dans la nuit du 28.

À 9 h 30, Michael Helm reçoit des appels d’un individu que la police identifiera plus tard comme étant Kosmas Dritsas. Il est question d’une rançon en échange des otages.

Cinq des huit conversations sont enregistrées par la police de l’État de New York.

« Je ne sais pas où est mon frère Mac. J’ai cherché partout. Si je ne le trouve pas, SVP, ne blessez pas ma mère et mon père. Je vais chercher toute la nuit s’il le faut. Ils ont dit qu’ils pourraient relâcher ma mère cette nuit. Elle a besoin de meds [médicaments] », écrit notamment Michael à son interlocuteur.

À 10 h 30, le FBI communique avec la GRC, car l’enquête tend à démontrer que les victimes sont au Canada.

Peu après, la GRC alerte la Sûreté du Québec (SQ) puisque les victimes se trouveraient dans la province.

Les enquêteurs des Crimes contre la personne de la SQ vérifient les informations relatives au numéro de téléphone avec lequel un suspect a communiqué avec Michael Helm, mais les analyses et la géolocalisation ne donnent rien.

Vers 21 h, les policiers américains informent la SQ qu’un deuxième numéro de téléphone – que les policiers relieront plus tard à Lawrence Taylor Martin – a communiqué avec Michael Helm. L’appareil est ensuite géolocalisé avec précision au 2041, River Road à Akwesasne.

Cette résidence est surveillée toute la nuit, notamment à l’aide d’un drone, en collaboration avec la police mohawk d’Akwesasne. En plus de géolocaliser l’appareil, les policiers peuvent intercepter les messages textes et les conversations.

PHOTO LA PRESSE

Le procès de Gary James Arnold, accusé d’avoir enlevé, séquestré et menacé le couple Helm, s’est ouvert à Montréal.

Dans la nuit du 28 au 29, vers minuit, Gary Arnold, l’accusé dans ce procès, appelle à l’hôpital du Suroît, à Salaberry-de-Valleyfield. Il se présente dans l’établissement à 1 h 33 pour récupérer trois cathéters de tailles différentes, pour Sandra Helm, selon la théorie de la poursuite. Cette information ne sera toutefois connue que plus tard des policiers.

29 septembre 2020

Entre 6 h et 7 h, le Groupe tactique d’intervention (GTI) de la SQ est appelé à Akwesasne, car les enquêteurs croient que les victimes se trouvent dans la résidence de Lawrence Taylor Martin sur River Road.

À 7 h 30, Martin est arrêté alors qu’il sort de la maison. Les membres du GTI fouillent la résidence, mais le couple Helm ne s’y trouve pas.

Le téléphone de Martin est saisi et analysé. Les policiers trouvent alors la photo des victimes déposée en Cour mardi et prise de l’endroit où elles étaient séquestrées. Cette photo avait été envoyée à Michael Helm à 17 h 48 le 28 septembre.

PHOTO DÉPOSÉE EN COUR

Photo de Sandra et James Helm prise par les ravisseurs et envoyée à Michael Helm par message texte en fin d’après-midi, le 28 septembre 2020

Les policiers identifient un autre numéro de téléphone cellulaire et effectuent les mêmes recherches. L’appareil est géolocalisé dans une résidence à Magog, dans les Cantons-de-l’Est, dans un cercle d’un rayon de deux kilomètres.

Les enquêteurs ne peuvent identifier avec précision la maison et ils demandent à leurs collègues de la Régie de police de Memphrémagog si des individus d’intérêt habitent dans ce cercle. Vers 11 h 45, un individu est identifié : Franco D’Onofrio, qui possède un chalet sur la Grande Allée.

Peu après, l’équipe de surveillance est déployée autour du chalet.

Vers midi, deux individus sortent du chalet, montent à bord d’un VUS de marque Nissan Rogue et se rendent dans une pizzéria du centre-ville de Magog.

Les enquêteurs peuvent suivre le dernier téléphone identifié qui se déplace selon le véhicule. Les deux individus reviennent au chalet avec une boîte de pizza. Ils seront plus tard identifiés comme étant Franco D’Onofrio et Kosmas Dritsas.

Revenons un peu en arrière, entre 9 h et 10 h : un autre téléphone a communiqué à deux reprises avec l’appareil de D’Onofrio. Ce numéro est celui, selon la police, d’un individu qui sera plus tard identifié comme étant Gary Arnold.

Durant l’après-midi du 29, l’appareil d’Arnold est géolocalisé dans un champ à Saint-Isidore. Une autre équipe de surveillance est envoyée sur les lieux.

Entre-temps, à 16 h, une équipe du GTI se déploie autour du chalet de la Grande Allée à Magog.

Vers 17 h 10, les suspects sont arrêtés, et les victimes libérées, comme relaté en Cour mardi.

Pendant ce temps, dans le champ de Saint-Isidore, plusieurs véhicules de ferme s’activent, dont des moissonneuses-batteuses.

À 17 h 30, les policiers interceptent les véhicules et identifient leur conducteur. Ils composent le numéro de téléphone qui sera plus tard identifié comme étant celui de Gary Arnold, mais l’appareil est retrouvé abandonné sur le sol.

Arnold est sur les lieux, mais il n’est pas arrêté immédiatement. Il le sera le 1er octobre, après que des enquêteurs auront reconnu sa voix dans des conversations interceptées.

Lisez « Comment la police a libéré un couple d’Américains à Magog »

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.