Un ancien homme de main des Dubois et importateur de drogue à grande échelle témoigne.

« Le peu de temps qui me reste à vivre, je veux le vivre en paix, pas de stress, loin de tous les problèmes », promet Alain Charron.

L’homme de 74 ans, ancien homme de main du clan Dubois, associé du gang de l’Ouest, proche du caïd Raynald Desjardins et importateur de drogue à grande échelle, a convaincu les commissaires aux libérations conditionnelles de l’envoyer en maison de transition lundi, à l’issue d’une audience où « l’usure du temps » et la famille ont pris beaucoup de place.

« Avec les années, j’ai compris ce qui est vraiment important. Des amis, on pense qu’on en a, mais en bout de ligne, on n’en a pas vraiment. J’ai fait des prises de conscience. Je n’ai pas d’honneur envers les choses que j’ai faites ou que j’ai vues. Si ma vie était à refaire, ce serait différent. Je ne peux pas changer le passé, mais je peux améliorer le futur », a-t-il ajouté.

Charron purge une troisième peine de pénitencier, de cinq ans celle-ci, pour avoir comploté avec d’autres pour l’importation de 15 tonnes de haschich en 2010.

Il a raconté qu’après sa libération précédente, en 2006, il s’était rangé avant de recommencer à fréquenter un bar irlandais du sud-ouest de Montréal surnommé « l’ambassade », où on lui aurait vraisemblablement proposé ce projet.

Son rôle aurait été de déplacer la drogue une fois arrivée et de trouver le client, a-t-il dit.

« L’offre était trop belle. J’avais la chance de faire un bon montant d’argent sans trop d’implication et trop de risques. Sans penser plus loin que mon nez, j’ai cédé et j’ai dit oui », a affirmé Alain Charron, ajoutant que ce fut « une grave erreur ». « Mais le mal est fait, j’assume mes erreurs et je paie pour », a-t-il dit.

« On m’engageait et je travaillais. »

Les autorités considèrent toujours Charron comme un membre du crime organisé traditionnel irlandais, mais lui réplique n’avoir jamais été membre d’aucun groupe criminel.

« On m’engageait et je travaillais. Je n’ai jamais eu une appartenance comme on voit à la télé, à la mafia et tout ça. Je connaissais beaucoup de monde dans le gang de l’Ouest. Mais le gang de l’Ouest, ce n’est pas un gang structuré. Ce sont des gens qui se connaissent dans le milieu irlandais. Il n’y a jamais eu de chef, comme dans la mafia ou d’autres gangs », a-t-il expliqué.

Alain Charron a dit que sa famille n’était pas au courant de ses activités illicites, qu’il se rendait à Montréal comme s’il allait travailler, et que lorsqu’il revenait à la maison dans les Laurentides, rien n’y paraissait.

« J’ai toujours gardé ma femme dans l’ignorance de ce que je faisais. Je ne voulais pas qu’elle soit impliquée. À la maison, c’était un autre monde », a-t-il décrit.

La famille et le bénévolat

Une fois libéré, Charron veut s’occuper des membres de sa famille et faire du bénévolat. Il va habiter dans une autre région, pour éviter les mauvaises fréquentations.

Il n’y aura plus d’autres tentations. Les fréquentations, c’est toujours ça. Il faut que j’évite de rencontrer mes amis. Il y en a beaucoup qui sont décédés aujourd’hui. Et ma vie et mes valeurs ont changé.

Alain Charron

Même si elles soulignent que Charron affiche une « criminalité d’envergure, qu’il est dans le milieu depuis près de 60 ans et qu’il a grandement contribué au fléau de la drogue », les commissaires concluent que le risque n’est pas inacceptable pour la société et elles acceptent qu’il aille dans une maison de transition pour une période de six mois.

Elles lui imposent toutefois de sévères conditions : le septuagénaire ne pourra communiquer avec tout individu impliqué dans des activités criminelles ou en fréquenter, ne pourra fréquenter les bars et cafés où l’on vend de l’alcool, devra posséder un seul téléphone cellulaire et une seule carte SIM, et permettre l’accès à son agent de libération à toutes les applications, appels et messages textes contenus dans son appareil et ne rien supprimer. Enfin, Charron devra également divulguer la moindre de ses transactions financières.

« Je veux juste penser positivement. Je n’ai pas de besoins monétaires. Je veux juste penser à faire du bien et être bien, et vivre dans la réalité, sans stress et sans problème », a certifié Charron, avant de remercier les commissaires.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.