Trois femmes qui affirment avoir été agressées sexuellement par Gilbert Rozon ont déposé des poursuites au civil totalisant 4,65 millions.

Ces nouvelles démarches, qui couvrent des évènements de 1993 à 2004, portent à neuf le nombre de plaignantes contre le magnat déchu de l’humour. Le total des réclamations s’élève à quelque 14 millions.

Martine Roy, sœur de l’ancienne femme de M. Rozon, affirme avoir été agressée sexuellement et « brutalement violée » par son beau-frère, respectivement en 1993 et 1995, selon les documents déposés au palais de justice de Montréal. Elle réclame une somme de 1,35 million.

Au mois de juillet 1993, la plaignante a accepté un contrat pour conduire et accompagner le pianiste de Charles Trenet, raconte-t-elle. En marge d’un concert au Capitole de Québec, M. Rozon serait entré dans la chambre de Mme Roy pour, croyait la jeune femme, discuter « du changement d’hôtel de Trenet » vers le Château Frontenac.

Le fondateur de Juste pour rire se serait alors allongé sur le lit. « Soudainement et sans lui demander son consentement [Gilbert Rozon] met ses mains sur [Martine Roy], lui prend les bras et tente de l’embrasser sur la bouche. [Elle] résiste, réussit à le repousser, se lève et lui demande de partir, ce qu’il fait. »

C’est deux ans plus tard que Mme Roy affirme avoir été violée « brutalement », alors qu’elle travaillait à la relance du Musée Juste pour rire à titre de directrice adjointe. M. Rozon aurait suivi la plaignante dans une loge lors d’une exposition, puis aurait verrouillé la porte. « Sans se soucier de son envie ou de son consentement, connaissant de surcroît son homosexualité, il la retourne pour qu’elle soit dos à lui. [Il] baisse alors [s]es culottes. Elle retourne sa tête et voit son pénis. Elle fige complètement. »

M. Rozon l’aurait pénétrée « sans protection ni préliminaires » avant d’éjaculer et de quitter la loge. Craignant d’avoir contracté une infection transmissible sexuellement, elle ira faire des tests de dépistage quelques jours plus tard.

« À d’innombrables reprises »

Une deuxième poursuite au civil concerne Marylena Sicari, qui soutient avoir été agressée et harcelée sexuellement « à d’innombrables reprises » de 1998 à 2004, alors qu’elle travaillait pour Les Films Rozon et Les Productions Rozon. La somme réclamée est de 1,25 million.

Peu de temps après son embauche comme aide-comptable, la plaignante aurait été victime de multiples avances insistantes et appels indésirables.

« La nuisance est telle qu’[elle] change de numéro de téléphone, peut-on lire dans la requête. Pendant près de deux ans, [M. Rozon] continue néanmoins à l’appeler à son domicile. »

Lucie Rozon, amie de Mme Sicari et sœur de M. Rozon, aurait fait des démarches auprès du producteur pour que les appels cessent, avec succès à la deuxième tentative.

Gilbert Rozon « entame alors un nouveau type de prédation à son égard », peut-on lire dans les documents judiciaires. « Il commence à frotter son corps sur celui de [Mme Sicari] lorsqu’il la croise à son lieu de travail ou pendant ses pauses, ou encore au restaurant ou dans des évènements. Il glisse sa main ou son bras sur ses fesses, son dos ou encore sur ses seins, feignant l’accident. »

Ces agressions se seraient répétées sur une période d’environ huit ans.

M. Rozon aurait par ailleurs embrassé de force la plaignante « aux environs de l’année 1997 » alors qu’elle travaillait à la billetterie de Juste pour rire. « Un goût de sang se répand dans [s]a bouche. [Gilbert Rozon] s’est forcé sur elle avec tant de violence qu’il lui a déchiré l’intérieur de la lèvre », est-il écrit.

Puis, l’année suivante, à deux occasions, il aurait agrippé la main de Mme Sicari pour la mettre de force sur son pénis.

De 2001 à 2004, de nouveau réembauchée comme comptable pour Les Productions Rozon, Marylena Sicari aurait de nouveau subi à répétition les attouchements et allusions sexuels du magnat de l’humour.

Un « problème électrique »

La troisième plaignante, Guylaine Courcelles, réclame à M. Rozon 1,9 million pour une agression sexuelle qui serait survenue en 1987, alors qu’elle avait 22 ans et qu’elle travaillait comme adjointe au responsable de la logistique du Festival Juste pour rire.

Malgré sa méfiance envers le patron de l’organisation, Mme Courcelles explique avoir accepté de le rencontrer pour discuter de son avenir professionnel. « En chemin vers le bar ou le restaurant, [M. Rozon] lui dit qu’il a un problème électrique chez lui et qu’il doit s’y arrêter afin d’allumer les foyers pour chauffer la maison », peut-on lire dans la requête.

Une fois le « problème » réglé, M. Rozon, dont la conjointe est en voyage, ne désire plus quitter sa résidence à Outremont, selon la poursuite. Lui et son invitée boivent et discutent.

Le producteur, qui dit avoir trop bu pour prendre le volant, propose à Mme Courcelles une chambre pour la nuit, selon la requête. Elle se couche et croit que la soirée est terminée. Or, « après avoir pris une douche, [M. Rozon] revient dans le cadre de la porte de la chambre d’invités, vêtu uniquement d’une serviette à la taille. […] Pour la première fois, il démontre une intention d’avoir une relation sexuelle avec [elle] », peut-on lire dans la requête.

M. Rozon se serait couché à côté de Mme Courcelles et aurait tenté de la prendre dans ses bras et de coller son corps au sien. « [Elle] le repousse à deux mains, de toutes ses forces, en lui disant non à plusieurs reprises. »

Rabroué, M. Rozon se serait alors masturbé dans le dos de sa victime et aurait éjaculé sur elle. « [Elle] est en état de choc et elle ressent un dégoût profond. [Il] s’endort dans le lit à côté d’[elle] », peut-on lire dans la requête.

Les trois femmes soulignent avoir vécu de la honte et de la colère à la suite des évènements.

Pluie de poursuites

Gilbert Rozon nie avoir agressé sexuellement les six autres femmes qui ont déposé des poursuites civiles contre lui depuis avril 2021. Le producteur déchu a en outre été acquitté en 2020 au terme d’un procès criminel pour le viol allégué d’Annick Charette, en 1980 à Saint-Sauveur.

M. Rozon poursuit trois plaignantes au civil pour « abus de droit » ainsi que les animatrices Julie Snyder et Pénélope McQuade pour diffamation pour une somme de 450 000 $.