(Wendake) Une nouvelle décision d’un tribunal vient confirmer l’autorité des communautés autochtones en matière de protection de la jeunesse et leur droit de retirer leurs enfants de la tutelle de la DPJ.

« On garde le cap. On a le droit à l’autodétermination, et là-dessus, il n’y a pas de retour en arrière », a commenté jeudi le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, lors d’une conférence de presse à Wendake.

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Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador

La décision de la Cour du Québec est la dernière en date à reconnaître l’autorité des Autochtones en cette matière. Le jugement rendu le 23 septembre confirme que la communauté attikamek d’Opitciwan a non seulement le droit de gérer la protection des enfants sur son territoire, mais aussi chez ses membres hors réserve.

Dans ce cas-ci, il s’agissait d’un bébé naissant retiré à sa mère par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ). La communauté est intervenue pour s’occuper de l’enfant, même s’il n’habitait pas sur son territoire.

« C’est une autre étape pour nous. Le travail continue. Espérant que tous les dossiers hors réserve soient rapatriés à Opitciwan », a noté le chef de la communauté d’Opitciwan, Jean-Claude Mequish. « On continue à aller vers l’autodétermination », dit-il.

La Loi de la protection sociale attikamek d’Opitciwan (LPSAO) est entrée en vigueur en janvier dernier. Cette communauté est devenue la première au Québec, et la quatrième au Canada, à adopter sa propre loi sur la protection de la jeunesse.

Les communautés ont obtenu ce « champ de compétence » dans la foulée de l’adoption, en 2019, de la loi C92 par le gouvernement fédéral de Justin Trudeau. Elle permet aux communautés autochtones qui le désirent de se soustraire à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) en adoptant leur propre politique en la matière.

La loi fédérale vise à s’attaquer à la surreprésentation des enfants autochtones dans les services de protection de la jeunesse et s’inscrit dans une démarche de réconciliation.

Au Canada, 52,2 % des enfants en famille d’accueil sont autochtones, malgré le fait qu’ils ne représentent que 7,7 % de tous les enfants au pays, selon le recensement de 2016.

« Il y a plus d’enfants des Premières Nations en placement aujourd’hui qu’à l’époque des pensionnats indiens », remarque Ghislain Picard.

Bras de fer avec Québec

Mais le gouvernement du Québec s’oppose à cette façon de faire. Il estime que le fédéral a outrepassé ses pouvoirs et fait valoir que la protection de l’enfance relève de ses compétences.

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Simon Jolin-Barrette, ministre de la Justice

Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette a déjà dit qu’il voulait négocier directement avec les communautés qui souhaitent obtenir ces pouvoirs. Au Québec, une quinzaine de communautés ont cette volonté.

L’affaire sera tranchée par le plus haut tribunal au pays. Québec a demandé à la Cour suprême de se pencher sur un jugement de la Cour d’appel de février dernier qui donnait raison aux communautés autochtones.

Le ministère de la Justice du Québec n’avait pas encore fait savoir au moment de publier s’il avait l’intention de porter en appel ce dernier jugement qui concerne les enfants autochtones qui vivent hors communauté.

« La décision est sujette à un droit d’appel d’une durée de 30 jours. Alors on verra d’ici le 23 octobre l’intention des parties », a dit l’avocat qui représentait Opitciwan, Keven Ajmo. « Mais l’état actuel du droit semble en faveur de la compétence absolue de la communauté à propos de ses enfants. »