Un Montréalais qui a lancé des menaces aux premiers ministres François Legault et Justin Trudeau, à la ministre Geneviève Guilbault et à une juge pourrait écoper d’une peine allant jusqu’à un an. Il s’agit d’accusations « sérieuses », selon un juge, qui a tenu à défaire le mythe voulant que les politiciens soient « capables d’en prendre ».

« Ces gens-là ont été élus par la population, ils ont le droit d’exercer leur fonction jusqu’aux prochaines élections. Si vous n’êtes pas satisfait, votez contre. Mais de s’en prendre à quelqu’un derrière votre ordinateur, c’est bien facile, ça », a insisté le juge Pierre Bélisle, en juillet dernier, en refusant de remettre en liberté Martin Huberdeau jusqu’à la fin de son procès.

Cette affaire passée sous le radar l’été dernier s’avère d’actualité, au moment où des mesures de sécurité sans précédent sont déployées depuis le début de la campagne électorale pour protéger les chefs de parti. Jeudi dernier, sur Twitter, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a d’ailleurs rappelé au public que les menaces et l’intimidation à l’égard des candidats pouvaient mener à des accusations criminelles. Trois cas réels montraient les conséquences de tels propos.

On remarque plusieurs incidents depuis le début de la campagne électorale et antérieurement. Il y a une prolifération des menaces sur les réseaux sociaux. C’est souvent fait par monsieur et madame Tout-le-Monde.

MAudrey Roy-Cloutier, porte-parole du DPCP

Le 1er septembre dernier, le procureur de la Couronne MCharles Doucet a annoncé à la cour avoir l’intention de demander une peine de 9 à 12 mois de détention pour l’ensemble des dossiers impliquant Martin Huberdeau, si ce dernier était reconnu coupable. Il s’agit d’une peine relativement sévère pour des menaces.

Des courriels menaçants

Martin Huberdeau fait face à cinq chefs d’accusation déposés en juin dernier. Le Montréalais de 43 ans est accusé d’avoir transmis à un greffier-audiencier de la Cour d’appel du Québec, en juin 2022, des menaces de mort visant la juge Sophie Lavergne, de la Cour du Québec, la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, le premier ministre du Québec, François Legault, et le premier ministre du Canada, Justin Trudeau.

C’est une simple demande procédurale d’un greffier de la Cour d’appel du Québec qui a provoqué la colère de Martin Huberdeau. Le greffier lui avait demandé de réduire le nombre de pages pour sa procédure d’appel reliée à la confiscation de son véhicule. « On a saisi mon camion neuf. Ça fait quatre ans qu’il est à la fourrière […] Avec la pandémie, ça n’a pas été facile. C’est pas une excuse… », a expliqué Martin Huberdeau.

L’accusé s’est alors mis à envoyer une vingtaine de courriels fielleux au greffier, selon la preuve présentée à l’enquête sur remise en liberté.

Ses propos sont « incohérents et décousus », mais sont également de nature « menaçante et intimidante » à l’égard des victimes, a expliqué la procureure de la Couronne MYasaman Jahanbakhsh.

Les menaces écrites par Martin Huberdeau, ponctuées d’innombrables insultes, laissent peu place à l’interprétation. « Je la tue elle. J’aurais tellement aimé la tuer au nom de Legault, c’te charogne-là », écrit-il, au sujet de la juge Sophie Lavergne, qui avait entendu sa cause en première instance. « Même si je gagne, ça veut pas dire que je veux pas la tuer, la sacrement », renchérit-il dans le courriel.

Les menaces visant la ministre Guilbault sont extrêmement violentes. Martin Huberdeau soutient dans un courriel qu’il lui « casserait le cou ». « Il lui en reste pas gros, jusqu’en octobre. Pis en danger de mort après. Donnez-moi pas la permission de la tuer […]. Comme Hannibal, tuez toute la crisse de famille », peste-t-il.

Concernant le premier ministre François Legault, il écrit : « Je les aurais tous tué, du premier, Legault-porc, au dernier ». Il ajoute entre autres dans un autre courriel vouloir tuer « Trudeau-Legault », a résumé la poursuite, toujours à l’enquête sur remise en liberté.

« Fatalité de la vie »

« Je regrette vraiment ce qui est arrivé », a lâché Martin Huberdeau, qui se représentait seul pendant l’audience. Sans travail depuis 15 ans et aux prises avec des problèmes de santé mentale, l’accusé a un dossier criminel bien rempli. Il s’agit surtout de vols et de non-respect des conditions de la cour.

La maladie mentale, c’est pas de votre faute à vous si vous avez ça. Vous n’avez pas couru après ça. C’est une fatalité de la vie.

Le juge Pierre Bélisle

Une autre juge a obligé l’accusé à se soumettre à une évaluation psychiatrique en août dernier. Il a été déclaré apte.

Comme l’accusé n’avait aucun plan de sortie réaliste, le juge a décidé de le garder détenu pendant tout le processus judiciaire.

« C’est 20 courriels. Ce qui est dit, c’est vraiment intimidant. On ne peut pas dire que c’est sur un coup de tête. Je n’ai pas le choix avec la preuve. Votre détention est nécessaire pour la protection du public », a conclu le juge.

Le dossier sera de retour en cour cette semaine.