Le blogueur antiféministe Jean-Claude Rochefort a été reconnu coupable vendredi d’avoir fomenté la haine contre les femmes.

En 2019, l’homme de 73 ans a louangé le tueur Marc Lépine dans des publications parues avant les commémorations du féminicide de masse de Polytechnique. Dans l’un de ses blogues, il invitait à célébrer « la fête de Saint-Marc-Lépine », puis encourageait les « disciples » de Marc Lépine « à polir leur carabine ». Selon l’accusé, Marc Lépine avait « redonné de la dignité aux hommes ».

Dans d’autres publications, M. Rochefort glorifiait aussi un personnage fictif de son invention nommé Ulrich, qu’il présentait comme le fils de Dieu et un tueur de femmes. D’autres encore incluaient des montages photographiques et d’autres illustrations mettant en scène Marc Lépine, des armes et des femmes démembrées.

Le juge Pierre Labrie, de la Cour supérieure, s’est longuement attardé sur ces publications dans sa décision de 42 pages rendue au palais de justice de Montréal, citant des passages particulièrement violents. Il n’a pas cru le témoignage de l’accusé, qui prétendait que ces publications étaient exagérées, représentaient de la satire et de la dérision, et visaient les féministes plutôt que les femmes en général.

« Le Tribunal est d’avis qu’une personne raisonnable […] conclurait que ces publications fomentent la haine », peut-on lire dans le jugement. Celles-ci « suscitent des émotions intenses et extrêmes qui sont clairement associées à la calomnie et à la détestation. Il s’agit plus que de simples encouragements ».

Lectorat important

Le juge a également insisté sur le caractère délibéré de l’entreprise. Selon M. Rochefort, environ 60 000 lecteurs suivaient son blogue en octobre 2019, dont beaucoup d’« incels », des célibataires involontaires au discours misogyne et souvent violent.

« M. Rochefort savait donc à qui s’adressaient ses textes », a écrit le juge Labrie. L’accusé « ne pouvait pas ignorer que, par ses déclarations, il fomentait volontairement la haine contre les femmes ».

Vigilance face à la « propagande haineuse »

« Ce que [le jugement] démontre, c’est qu’on est 30 ans après la tuerie de Polytechnique et qu’il est toujours d’actualité et nécessaire de pénaliser la propagande haineuse », a déclaré à la sortie de l’audience MRoxane Laporte, procureure du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) dans ce dossier.

Les représentations sur la sentence de M. Rochefort devraient avoir lieu le 5 octobre prochain. Fomenter volontairement la haine est passible d’un emprisonnement maximal de deux ans, mais MLaporte n’a pas voulu s’avancer sur ce que la poursuite allait réclamer. « On va penser à la question », a-t-elle simplement répondu, soulignant qu’il s’agit d’une infraction qui « ne vise pas simplement une victime, mais vise une collectivité ».

L’avocat de la défense, MRodolphe Bourgeois, et son client n’ont pas souhaité faire de commentaire après la lecture du jugement.