(Québec et Montréal) La coroner en chef, MPascale Descary, ordonne le déclenchement d’une enquête publique pour faire la lumière sur les meurtres d’André Lemieux, de Mohamed Belhaj et d’Alex Lévis Crevier, tombés sous les balles de l’auteur présumé de ces crimes, Abdulla Shaikh.

L’enquête visera aussi les circonstances de la mort du suspect, abattu par les forces de l’ordre au motel Pierre, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, à Montréal.

L’annonce a été faite en fin de journée lundi. Un peu plus tôt, le premier ministre François Legault avait évoqué la tenue d’une enquête du coroner pour faire la lumière sur les évènements, sans en préciser la teneur. C’est la coroner Géhane Kamel, qui a notamment dirigé l’enquête publique sur la mort de Joyce Echaquan et sur les décès survenus dans certains milieux de vie pendant la pandémie, qui présidera l’enquête.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Me Géhane Kamel, coroner

Elle sera assistée par un procureur qui sera nommé prochainement. « Les audiences permettront à toute personne d’intérêt de s’exprimer concernant les circonstances de ces décès afin d’en analyser tous les facteurs contributifs, et ce, en vue de proposer des pistes de solutions pour une meilleure protection de la vie », écrit le Bureau du coroner dans un communiqué. Les détails de l’enquête ainsi que les dates des audiences seront communiqués « ultérieurement ».

Dans les derniers jours, la tenue d’une enquête publique avait été réclamée par un certain nombre de citoyens. Deux autres enquêtes sont déjà en cours : celle sur l’opération policière de jeudi matin, durant laquelle le suspect a été abattu, a été confiée au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI). La Sûreté du Québec, elle, sera responsable d’enquêter sur les trois homicides.

Le suspect dans cette affaire, Abdulla Shaikh, avait notamment un diagnostic de schizophrénie et de traits de personnalité narcissiques et antisociaux, selon les documents judiciaires. En 2016, il avait été accusé notamment d’agression sexuelle et d’agression armée. Son procès était prévu en janvier prochain, à Laval. Dans une autre affaire de méfaits en 2018, il avait été reconnu non criminellement responsable. Il était depuis suivi en psychiatrie et avait été hospitalisé jusqu’en 2021. Son état demandait une révision annuelle de la Commission d’examen des troubles mentaux, dont la dernière avait été effectuée en mars 2022.

Selon nos informations, le suspect avait été hospitalisé au moins une fois à l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel. Un psychiatre avait aussi jugé en mars dernier qu’il représentait « toujours un risque important pour la sécurité du public ».

Legault se rétracte, Montréal espère des réponses

Plus tôt lundi, François Legault a clarifié des propos qui lui ont été reprochés au sujet de la mort du suspect. Vendredi, il avait affirmé qu’il était « content qu’on se soit débarrassé » de l’auteur présumé du triple meurtre. « Ce que je voulais dire, c’est que je suis content que le suspect ait été mis hors d’état de nuire », a-t-il rectifié lors d’une annonce à Sept-Îles.

Évidemment, je ne me suis pas réjoui qu’il soit décédé, on ne souhaite pas ça. Il y a des gens qui, effectivement, ont des problèmes de santé mentale. Là, il va y avoir une enquête du coroner et des policiers pour voir pourquoi cette personne-là a été relâchée.

François Legault, premier ministre du Québec

Vendredi, le premier ministre réclamait d’ailleurs des réponses. « Il faut voir aussi ce qui est arrivé, parce qu’étant donné que c’est quelqu’un qui était déjà ciblé, pourquoi a-t-il été relâché ? Est-ce qu’il faut resserrer… ? », avait déclaré M. Legault lors d’une mêlée de presse à Montréal, à sa sortie d’un centre de vaccination où il avait reçu sa quatrième dose de vaccin contre la COVID-19.

Pour sa part, le responsable de la sécurité publique à la Ville de Montréal, Alain Vaillancourt, a indiqué lundi qu’il suivrait attentivement l’enquête du coroner. « Nous offrons notre entière collaboration afin de faire la lumière sur ces évènements tragiques. Nous espérons que des réponses seront apportées sur les circonstances des évènements afin d’éviter qu’une tragédie pareille se reproduise », a-t-il affirmé.

« C’est absolument troublant, mais il ne faut pas céder à la peur. Ça aurait pu se passer n’importe où, et il faut creuser un peu et regarder : pourquoi ça s’est produit ? Qu’est-ce qui s’est passé ? », s’était aussi interrogée la mairesse de Montréal, Valérie Plante, dimanche.

Le chef de l’opposition officielle à l’hôtel de ville, Aref Salem, a aussi dit espérer que toute la lumière soit faite, afin qu’une telle tragédie « ne survienne plus jamais ». « Nous saluons le déclenchement d’une enquête publique. […] Ces évènements horribles ont accentué l’inquiétude des Montréalais, qui vivent déjà avec un sentiment d’insécurité depuis un an », a-t-il affirmé.