Une fraudeuse qui a dérobé 746 000 $ au détaillant Clair de Lune en volant l’identité d’une centaine d’employés pendant des années a bénéficié lundi de la clémence de la juge Karine Giguère. Georgia Tzanetakos s’en est tiré avec une peine de deux ans de prison à la maison, loin des trois ans de pénitencier réclamés par la Couronne.

Grâce à un ingénieux stratagème, la Lavalloise de 61 ans a fraudé pendant des années son employeur Clair de Lune, un détaillant spécialisé dans les articles de maison qui a depuis fait faillite. Entre 2008 et 2014, la gestionnaire de payes de l’entreprise a réussi à rediriger à son profit les payes de 566 employés, volant du même coup l’identité de 124 employés.

Pour ce faire, Georgia Tzanetakos ciblait des employés à temps partiel ou d’ex-employés, puis falsifiait leurs heures travaillées dans le système de paye. Elle déposait ensuite les sommes volées dans 10 comptes bancaires différents, dont plusieurs étaient au nom de ses deux enfants, de son mari ou même de son assistant.

Le propriétaire de Clair de Lune, Albert Levy, a porté plainte en septembre 2014 lorsque la fraude a été découverte par une employée pendant les vacances de Georgia Tzanetakos. Or, ce n’est qu’en février 2020 que la Lavalloise a été accusée, quatre ans et demi après la fin de l’enquête policière, et ce, « sans raison », selon la juge.

« Faire face à une sentence après autant d’années est punitif en soi », a conclu la juge Giguère lundi matin au palais de justice de Montréal. Même si ces délais ne constituent pas un « facteur atténuant », précise la juge, cet élément semble avoir été déterminant dans la clémence de la peine imposée. La juge a également relevé la reconnaissance de culpabilité, les remords et le faible risque de récidive de l’accusée.

Georgia Tzanetakos soutient avoir commencé à voler pour rembourser ses dettes, puis avoir poursuivi en ayant pris goût à ce « style de vie ». « Comme elle n’avait pas de conséquences, elle a continué », a résumé la juge. Dans les dernières années, Georgia Tzanetakos a travaillé en comptabilité pour une autre entreprise sans commettre de fraude, la preuve que son risque de récidive est nul, selon l’analyse de la juge. Elle a depuis perdu son emploi.

Le propriétaire de Clair de Lune écorché par la juge

L’homme d’affaires Albert Levy a été sévèrement écorché par la juge, qui lui reproche d’avoir « exagéré » devant la cour en blâmant son ex-comptable pour la faillite de son entreprise. Le détaillant Clair de Lune s’est placé à l’abri de ses créanciers en 2014 et en 2019, pour plusieurs millions de dollars chaque fois.

Le procureur de la Couronne, MNicolas Ammerlaan, réclamait une peine de trois ans de pénitencier, compte tenu de la complexité du stratagème, de l’ampleur et de la durée de la fraude. D’ailleurs, selon la jurisprudence, les fraudes de plus d’un demi-million de dollars méritent généralement de trois à cinq ans de détention ferme.

En matière de fraude, le juge doit considérer l’imposition d’une peine dans la collectivité quand cela est possible. Toutefois, de nombreux cas récents au palais de justice démontrent que cette alternative à l’emprisonnement est rarement accordée lors d’une fraude d’un montant important, malgré les remords sincères de l’accusé.

Vendredi dernier, Gyula Barta fils, qui se faisait passer pour un riche investisseur, a écopé de trois ans de pénitencier pour une fraude de 500 000 $. Plus tôt ce mois-ci, Karim Skakni, un ex-conseiller bancaire qui a fraudé 235 000 $ à des clients vulnérables en raison de ses problèmes de jeu, a été condamné à 18 mois de prison ferme. En avril dernier, un ex-fonctionnaire qui a pigé 180 000 $ dans un programme fédéral d’aide aux aînés a été condamné à deux ans d’emprisonnement.

Georgia Tzanetakos devra rester en tout temps chez elle pendant les 18 premiers mois de sa peine, sauf pour travailler et pour faire ses courses. Elle sera soumise à une probation de trois ans et devra rembourser 20 000 $ à la victime.