Caché depuis bientôt 10 ans par la Sûreté du Québec (SQ), l’unique rapport d’enquête sur l’attentat du Métropolis a finalement été rendu public jeudi grâce à l’intervention d’un juge, au grand dam du Procureur général du Québec. Ce rapport aux conclusions dictées à l’avance par l’état-major critique à peine la police provinciale.

Une « meilleure planification », des « communications en temps réel » et un « arrimage plus efficace avec ses partenaires » : voici essentiellement les conclusions de ce rapport exécutif d’à peine huit pages visant à faire la lumière sur l’« attentat politique » visant Pauline Marois, le soir de sa victoire électorale, le 4 septembre 2012. Le technicien Denis Blanchette a été tué, tandis que Dave Courage a été gravement blessé par Richard Henry Bain derrière le Métropolis.

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MVirginie Dufresne-Lemire, avocate des demandeurs, a insisté pour que le rapport d’enquête de la SQ soit déposé en preuve.

Ce rapport jamais révélé au public, la SQ s’est battue bec et ongles dans les dernières semaines pour le garder secret. La SQ a même d’abord « nié » son existence, s’est indignée MVirginie Dufresne-Lemire, l’avocate des demandeurs qui a insisté pour que le document soit déposé en preuve au procès. Il n’est toutefois pas « pertinent » au procès selon MJulien Bernard, l’avocat du Procureur général du Québec.

Mais jeudi après-midi, le juge Philippe Bélanger de la Cour supérieure a autorisé son dépôt en preuve dans le cadre du procès civil intenté contre la SQ et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) par quatre survivants de l’attentat. Traumatisés, ceux-ci réclament 600 000 $ aux forces de l’ordre en raison de la sécurité déficiente.

De grands pans de ce rapport non signé avaient déjà été cités par des témoins pendant le procès, mais son contenu complet restait toujours dissimulé au public.

L’auteur du rapport, le capitaine Louis Bergeron, a admis en cour l’avoir rédigé sans avoir rencontré aucun témoin, après avoir reçu son mandat.

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Louis Bergeron, ancien capitaine de la Sûreté du Québec, au palais de justice de Montréal

Dans les faits, le policier devait analyser le travail de son propre service, la Direction de la protection des personnes et des infrastructures. D’ailleurs, son patron de l’époque, Denis Rioux a avoué devant le juge s’être fait dicter les conclusions du rapport par un directeur général adjoint de la SQ. « Le mandat semblait télégraphier les conclusions », a soulevé le juge.

« Faible » menace

Le Rapport exécutif sur la Soirée électorale du Parti québécois au Métropolis du 4 septembre 2012 indique que la menace à l’égard du parti souverainiste était jugée « faible » pendant les élections. Le service des renseignements de la SQ n’avait d’ailleurs reçu aucune information « laissant croire que des gestes de perturbations pourraient être posés » le soir du scrutin.

Cela dit, le rapport évoque six menaces lancées contre Pauline Marois « entre 16 h 38 et 20 h 32 suite aux dévoilements partiels des résultats des élections ». Ces menaces, dont la nature n’est pas précisée, ont été examinées « promptement », peut-on lire. Aucun témoin du procès, même le responsable du service de renseignement, n’a eu connaissance de ces menaces avant l’attentat.

« Cependant, le chef du Poste de commandement n’a pas eu un rapport de situation éclairé sur l’état de ces menaces en temps réel », conclut le rapport. Ainsi, parmi les cinq « ajustements organisationnels », on suggère d’établir des « canaux de communication » pour permettre aux responsables de l’opération de connaître l’ensemble des menaces le jour de l’évènement.

Le rapport écorche également le SPVM au passage. En effet, on indique que le SPVM a « refusé que la Sûreté effectue une évaluation des besoins. [Il a] préféré garder la latitude d’évaluer les besoins extérieurs et d’assigner les ressources selon [son] évaluation uniquement ».

Mais dix ans plus tard, Louis Bergeron a carrément renié l’utilisation du mot « refuser » dans son rapport, disant au juge ignorer pourquoi il avait employé ce terme. Étonnamment, l’ex-capitaine de la SQ ne pouvait certifier avoir écrit chaque ligne du rapport.

« Je reconnais certains de mes mots, certaines de mes phrases. Est-ce que la totalité sont mes mots exacts ? Je ne peux pas donner cette réponse », a-t-il avoué au début du procès.

Le rapport conclut également que Richard Henry Bain avait le « profil identique au loup solitaire ». « Il est clair qu’il visait la cause souverainiste et le Parti québécois, [constituant] ainsi un attentat politique », conclut-on.

Le procès se poursuit mardi au palais de justice de Montréal.

Consultez le rapport de la SQ